J-1.
Depuis le 25 juillet dernier, soit un an jour pour jour, ma gouvernance a été emprunte de verticalité. C'est ainsi que quelques semaines, après mon coup de force, j'ai inversé la hiérarchie des normes en plaçant la force normative d'un décret au-dessus de la constitution, par le décret 117 de septembre, qui détermine ce qui reste, ou non, en vigueur de la Constitution de 2014 et que j'ai co-écrit avec Belaïd et Mahfoudh.
Une autre performance mondiale...
En un claquement de doigts et d'un trait de plume, je suis ainsi passé du pouvoir « constitutionnel » au pouvoir « constituant », selon la terminologie de Carl Schmitt. A ce moment précis, la plupart des constitutionnalistes se sont tus, et quelques intellectuels ont même scellé le silence de leurs pairs, en signant une pétition qui m'a apporté leur bénédiction.
Mais dans l'intervalle, pendant que les espérances fermentaient dans les masses, je suis devenu, à mon insu, un péril politique.
Parce que fort de mon droit et de la logique de mon raisonnement, j'ai confondu état d'urgence et état d'exception, coopération internationale et ingérence extérieure, mesures exceptionnelles prévues par l'article 80 de la constitution et pleins pouvoirs au gré de mon imagination.
Dans un décret d'application, j'ai même institué une sentence à perpétuité pour les infractions et délits économiques. Et j'en passe et des meilleurs...
Certes, pour muscler mes interventions, j'ai beaucoup emprunté à Facebook fausses rumeurs et vrais mensonges. Beaucoup de mes contempteurs ont jugé que j'ai été incapable de passer de l'âge idéologique à l'âge politique, des positions doctrinaires à l'intelligence des situations.
D'autres, ont estimé que je suis dominé par une vision cryptique de l'histoire, habité par mes certitudes et enfermé dans mon pensum universitaire.
En un mot, on m'a reproché d'être resté aveugle aux réalités d'un pays que je ne sais pas vraiment regarder.
Qu'importe !
L'exercice du pouvoir devient beaucoup moins important quand on est convaincu d'incarner une mission historique.
Aussi, le caractère composite de ma clientèle politique, faite d’une communauté de mécontents et des déçus de toujours, m'a interdit de préciser mes intentions dans le domaine des réformes.
Et en la matière, force m'est de reconnaître que ce n’est pas une constitution qui est à rafistoler, un gouvernement à bricoler, mais une société à refaire…