Pourquoi le chef de l’Etat a-t-il répondu sur le champ, en direct sur radio Med au dirigeant de Ennahdha Mohamed Ben Salem ?
J’ai l’honneur de partager avec le président de la République ma pause déjeuner (chacun de son côté évidemment) à l’écoute alternativement des commentateurs Zied Krichene sur Mosaïques FM et Sofiène Ben Farhat sur Radio Med.
Ce mercredi 27 mars, si j’en crois Sofiène Ben Farhat, le Chef de l’Etat écoute l’interview d’un des dirigeants du mouvement Ennahdha, l’ancien ministre de l’agriculture et actuel député à l’ARP, Mohamed Ben Salem.
Le face à face (téléphonique) Mohamed Ben Salem- Sofiène Ben Farhat est d’abord très corsé. Le journaliste accuse en direct le mouvement Ennahdha et son interlocuteur, d’avoir tenté au départ une talibanisation du pays puis de faciliter par différentes interventions et avec le concours d’une base très radicale, des visées terroristes. En réponse, le dirigeant islamiste furieux menace de porter plainte contre Ben Farhat.
Dès lors, Mohamed Ben Salem va « se lâcher » en direct en ne prenant aucun gant pour porter des attaques à un plus haut niveau. Dénonçant la corruption qui pourrit le système d’Etat depuis l’avènement de Ben Ali jusqu’à aujourd’hui, à travers la pérennité des lobbies, il met en cause -je traduis- celui qui en maître de la corruption, porta d’abord au pouvoir Ben Ali puis s’en dissocia lors du remariage de ce dernier avec Leila Trabelsi.
Ceci est de l’histoire ancienne. Mais introduisant une continuité discursive, Mohamed Ben Salem poursuivit en installant cette même figure du « capo de la corruption » -cette désignation latine n’est pas innocente- au cœur de l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaid.
Il rapporte alors une rencontre de ce même personnage de notre histoire récente que « 99% des Tunisiens auront reconnu » - et là Sofiène Ben Farhat nomme Kamel Ltaief- avec Beji Caid Essebsi à l’hôtel Ritz de Paris avant l’assassinat de Chokri Belaied. Mohamed Ben Salem reprend alors le « scénario » décrit dans un document par le détenu Mustapha Khedhr : une construction alambiquée autour d’une somme d’argent circulant entre ces deux derniers « protagonistes » cités dans le document et Hamma Hammami, argent qui aurait servi au financement de l’assassinat.
Cet imbroglio, nous le connaissons et chacun le balaie d’un revers de main. Ce qui est dérangeant dans le récit de Mohamed Ben Salem, c’est l’intention subliminale inscrite dans le déroulé de l’énoncé où des liens insidieux se tissent d’une façon telle qu’ils sont les marqueurs du message à retenir.
D’autant plus que Mohamed Ben Salem souligne que le juge qui a eu en main le corpus de documents récupérés chez Mustapha Khedhr et qui a condamné ce dernier à 8 ans de prison après avoir envoyé à la « Chambre Noire du ministère de l’intérieur » une partie des documents non retenus à charge contre Mustapha Khedhr, que ce juge donc se trouve aujourd’hui premier conseiller du Chef de l’Etat au palais de Carthage. D’un glissement à l’autre, les insinuations successives prêtent à une seule conclusion, une forme d’implication du président de la République !
Si ce dernier était réellement à l’écoute comme l’affirme Sofiène Ben Farhat, on peut dire que dans sa vivacité d’esprit, il capta le message et sa réplique fut immédiate : en direct, sa conseillère rétorqua que le dirigeant d’Ennahdha et d’autres avec lui, font une confusion entre un «si Jalel » actuel conseiller du président et un autre « si Jalel » (dont elle ne voulut pas préciser pas le nom) qui serait le juge du tribunal de première instance qui condamna Mustapha Khedhr.
Tout cela est bien étrange et jette le doute dans l’esprit des citoyens, d’autant que Saida Garaj semblait embarrassée, peut être prise de cours. Si l’on ajoute qu’à titre personnel, Sofiène Ben Farhat provoqua Mohamed Ben Salem en lui disant : « Je n’ai pas peur, même si vous devez me tuer et je peux vous donner mon adresse », chacun conclue en éteignant son poste que l’atmosphère est véritablement empoisonnée.
En déclarant le même jour dans un entretien à la chaine Al Arabia, qu’en aucun cas le prochain Chef de l’Etat ne saurait être apparenté Ennahdha, Beji Caïd Essebsi témoigne décidément qu’à l’approche des élections, la fièvre monte à Carthage contre Ennahdha.