Le Tunisien ne travaille pas, pourquoi travaillerait-t-il ?

Photo

Le Président de la République l’a dit et beaucoup d’observateurs le répètent : « Le tunisien n’aime pas travailler », « il est absentéiste » « La situation catastrophique par laquelle passe l’économie du pays ne pourrait être dépassée si l’on ne se remet pas au travail » …Il faut préciser que le tunisien pointé du doigt est l’employé. Personne n’accuse l’entrepreneur ou les décideurs.

Vous n’entendrez jamais dire que nos entrepreneurs gèrent mal leurs entreprises, qu’ils manquent d’esprit d’innovation, qu’ils ont profité et profitent encore de l’assistance de l’Etat et que certains d’entre eux profitent d’un capitalisme de rente depuis l’indépendance, leurs seuls atouts sont leurs noms de familles. Beaucoup d’entre eux se sont enrichis en vendant la force de travail à bas salaire aux occidentaux

D’autres ont même ruiné les banques nationales, refusant de rembourser leurs crédits. Le cas des hôteliers est très parlant à tous les niveaux : Mauvaise gestion, emploi de saisonniers, non remboursement des dettes, aucun effort d’imagination et bénéfice des aides de l’Etat et des campagnes de publicité payées par le Ministère du Tourisme.

Personne ne les critique quand ils amènent des marques qui ruinent certaines industries du pays (cas du textile et du cuir et chaussure). Au contraire, les journalistes nous parlent des emplois qu’ils créeront à cette occasion oubliant les pertes d’emplois qu’ils provoqueront. Quand il s’agit de véritables voleurs déguisés en entrepreneurs, il est interdit de les critiquer sous peine d’être taxé de vilain haineux.

Par ailleurs, ils ne prennent aucune responsabilité sociale : Avez-vous jamais entendu parler d’un entrepreneur Tunisien, créant des logements sociaux pour ses ouvriers, une cantine ou assurant leur transport ? Rien ! Ils comptent sur l’Etat même dans ces cas, Les entreprises étrangères, sans être des anges, le font (les call-centers l’ont fait concernant le transport et les tickets restaurants).

Ils n’ont pas encore compris que le « confort » du travailleur augmente sa productivité.

Bref, Les défaillances de nos « entrepreneurs » sont innombrables et restent à analyser. Je ne pense pas avoir été exhaustive, cependant presque personne ne pose ce problème, même en parlant de la crise économique qui sévit dans le pays. Elle serait d’après nos « experts » uniquement due au tunisien qui n’aiment pas travailler, aux revendications qui n’en finissent pas et aux sit-in des demandeurs d’emplois.

Ainsi, la meilleure façon de ne pas résoudre un problème est de trouver un bouc émissaire.

Il nous semble cependant pertinent de distinguer le travailleur dans le secteur privé de celui exerçant dans le public.

Le travailleur dans le privé non seulement travaille, mais il est largement sous payé et souvent n’a aucune perspective d’évolution : le SMIG tunisien est le plus faible au Maghreb.

Un électricien qui a travaillé trente cinq ans dans une clinique privée a fini sa carrière en 2010 avec un salaire d’à peu près 500 DT, actuellement il touche 450 DT de retraite.

Ses enfants n’accepteront pas de refaire cette carrière. Ils préféreront ne rien faire ou travailler dans l’informel ou même se jeter à la mer espérant quitter ce pays…

Personne ne peut soutenir le fait qu’ils ont tort, hormis les vendeurs de la morale hypocrite.

Concernant le public le système de rémunération égalitaire n’est point motivant.

Le favoritisme règne et ce depuis bien longtemps : Dans les entreprises publiques, les réussites sont rarement dues au travail, mais à des systèmes de copinage, d’alliance avec les « cliques gagnantes ». Au départ c’était les cellules destouriennes, plus tard celles du RCD et à moindre degré de l’UGTT. Actuellement, la centrale syndicale prend de plus en plus d’importance à ce niveau.

Du moment que la réussite est rarement le fruit du travail dans ce pays, alors que la triche, la corruption sont à l’origine de réussites légendaires ici et là, pourquoi voudriez-vous que le travail soit érigé en valeur ?

Celui qui travaille dans le privé n’arrive même pas à subvenir à ses besoins élémentaires : Pas besoin d’être expert en économie pour dire que 320 DT/Mois ne peuvent pas faire vivre une seule personne et encore moins une famille.

Dans le public, les travailleurs sérieux réussissent moins bien que ceux qui ne travaillent pas et passent leur temps à magouiller. Souvent le travailleur sérieux est la risée de ses collègues et même accusé de toutes les tares comme : complexé, idiot, n’a rien compris à la vie etc.

« Le Tunisien doit changer de mentalité » entendons-nous ici et là, oui il doit changer de mentalité vis-à-vis du travail et du respect de la loi. Mais tous les tunisiens pas seulement les employés, ce changement doit concerner aussi les patrons et les décideurs. Il est de l’intérêt de tous de penser à la cohésion et à la paix sociale : Nul ne peut vivre heureux entouré de beaucoup de malheureux.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات