Tout se transforme

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« Comme une feuille dans le vent », voilà une image bien connue dans plus d’un texte, une image qui se veut « artistique », car comparaison suscitant un effort d’imagination et sortant des sentiers battus de la littéralité, le degré zéro de l’écriture.

C’est aussi une image tombée depuis belle lurette dans le langage courant, ordinaire, c’est désormais un cliché sans plus aucun relief, un poncif ressassé jusqu’à la platitude totale !

il me semble que le sculpteur là reprend le cliché (représenté dans la sculpture par la feuille géante) et lui insuffle une deuxième vie (le personnage de la fille), le réécrit justement en mettant en scène son côté « écriture » , fouille dans ses racines, et découvre son support premier : « l’écriture », représentée, elle, de la manière la plus artistique qui soit : une petite fille portant une robe cousue dans une « feuille » en papier cette fois, trouvant un mal fou à se protéger du vent et de la pluie par un parapluie bien fragile car en « feuille » de papier lui aussi.

Bientôt, l’eau abimera définitivement la page d’écriture, effacera les mots, le vent emportera le parapluie peut-être …………..comme une menace ??? Comme un danger ???

Il me semble que non, bien au contraire, plutôt comme une aspiration à un nouveau langage, débarrassé des poncifs, des clichés et de toute expression lexicalisée, figée, qu’on ne voit plus et qui pourtant continue à s’imposer à nous comme une évidence, gravée dans notre mémoire et reprise par la langue presque instinctivement forte de la facilité qu’on trouve tous dans le « déjà dit », qu’on soit émetteur ou récepteur……bientôt la pluie emportera l’encre et l’écriture……que restera-t-il ? Une page blanche ????? Non justement, la page aussi s’évanouira définitivement…………on aboutirait alors au néant…

Comme si la sculpture mettait en scène cette impossibilité d’une écriture complètement vierge, n’ayant jamais flirté avec le passé, le déjà vu, le déjà dit, le déjà écrit…..comme si cette « feuille dans le vent » n’était jamais emportée par ce vent, à côté de la fille à la robe en écriture n’y a-t-il pas une feuille verte, géante, imperturbable malgré le vent et la pluie ???

Elle est même fixée au sol dans la sculpture, comme une fatalité, un destin incontournable…

« Le vent du changement » radical, celui du « renouveau » - total, pour employer une autre image ressassée- est une pure utopie dans le domaine du langage artistique, un fantasme que jamais un homme de lettres ne connaitra, c’est « écrit » par la nature même du sens qui ne peut que puiser dans une terre connue…

Reste le voyage artistique, l’aventure de l’artiste –représenté dans cette œuvre par le radeau- tout le temps renouvelée, dans ce cas là, le changement de support a insufflé à l’écriture une âme nouvelle, la sculpture -obligatoirement fixe- a dessiné un vent -obligatoirement mobile- , mais incapable de faire bouger une écriture qui ne lui reste plus qu’à rejoindre une sculpture…

Voilà une sculpture qui puise sa « matière » dans l’écriture littéraire, comme une métaphore de l’aventure de l’écrivain, tout le temps aspirant à un nouveau langage, mais rattrapé chaque fois par l’ancien, ce qui lui reste c’est de faire de son écriture, une aventure de renouvellement du « déjà dit » …

Ce n’est pas que le cas de l’homme de lettres, mais le cas de tout artiste créateur. Dans ce cas précis, le sculpteur puise dans l’expérience de l’écriture et en fait une expérience de mise en scène d’objets, une composition sculpturale………voilà que la sculpture se fait métalangage…

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