L’Iran fait à nouveau la Une mais pour la normalisation des relations avec l’Occident, confirmée par les récentes élections législatives. Tout cela n’est pas un hasard, tant au niveau économique que géostratégique.
L’Iran reste un pays encore mystérieux, qui fait à la fois fantasmer par sa qualité de république islamique (et non islamiste !). Le système est à la fois démocratique et dictatorial, du fait de l’existence du conseil des gardiens de la constitution et du guide suprême. Un schéma (source Wikipedia), montre cela :
Mais la vieille garde a quand même lâché du lest après les manifestations de la jeunesse dans les années 2000, inquiète d’une possible « révolution perse », ce qui a abouti à la disparition du provocateur président Mahmoud Ahmadinejad au profit du modéré Hassan Rouhani. C’est lui qui est l’artisan officiel des accords sur le nucléaire et de la fin de l’embargo. C’est lui qui a aussi installé l’Iran comme partenaire incontournable dans la résolution des conflits régionaux, tant en Irak, en Syrie qu’au Yemen. Les 10 millions d’Iraniens aspirent pourtant à une paix et une prospérité plutôt que de nouveaux conflits avec des voisins.
L’ouverture nouvelle a aussi un intérêt dans le jeu international qui se joue entre Russie, Chine et USA. Si l’Iran avait trouvé avec la Russie un allié par le passé, l’embargo ne facilitait pas la tâche, même si des marchandises continuaient de transiter par Turquie et républiques d’Asie centrale. La réouverture du marché, la possibilité de revendre officiellement du pétrole, ouvre l’accès aux devises et isole, de fait, la Russie, dont l’économie est à l’arrêt. En tarissant le débouché iranien pour la Russie, c’est un nouveau coup dur pour Poutine. Mais c’est aussi créer un contrepoids régional face à une Arabie Saoudite monopolistique qui s’ingère chez ses voisins. La diplomatie US et même européenne commence à être gênée par les agissements des émirs qui avaient bien compris l’influence qu’ils pouvaient tirer par la possession de dettes, le marché de l’armement et la possession de pétrole. En faisant revenir l’Iran dans le jeu, ils essaient aussi de trouver un nouveau levier dans les négociations. L’Iran a semblé plus motivé pour aider à la lutte contre l’EI, que tous les royaumes du golfe.
Mais économiquement aussi, l’Iran est d’une grande aide. Elle représente un marché important dans la région. PSA Peugeot Citroën se souvient qu’il a perdu près de 500 000 véhicules/an (sur une production annuelle de 3 millions soit 18% de sa production) en perdant l’Iran, et ne la retrouvera pas de si tôt. La Chine a profité de l’embargo pour s’installer sur ce marché. Les États-Unis ont anticipé sur les négociations politiques pour négocier des contrats entre les locaux et ses multinationales. Le gâteau Iranien attise les convoitises… mais est aussi gorgé de pétrole. Ce pétrole, justement au plus bas, joue sur les économies des régimes pétroliers mais aussi sur la Russie. Pourtant, si le prix joue au yoyo ces dernières années, ce n’est pas seulement par la géopolitique internationale. C’est aussi par l’influence de la production qui est elle-même influencée par la croissance de l’économie mondiale. Grande croissance (asiatique notamment) = forte demande = plafond de la production = Prix en hausse. Et arrive alors un moment où ce n’est plus tenable et cela provoque une crise, suivie d’une baisse de la demande = prix en baisse. Le fait que l’économie chinoise soit en berne, que l’économie russe soit à l’arrêt et que l’économie sud-américaine soit aussi en difficulté va jouer sur ce prix. L’ouverture de nouveaux marchés en Iran ou même à Cuba, ouvre à nouveau des perspectives de marché. Mais pour le premier, c’est aussi une manière d’augmenter la production mondiale, donc de jouer sur le prix du brut.
Source EIA
Tous ces facteurs font de l’Iran un allié de poids dans les circonstances actuelles. La diplomatie iranienne a, pour l’instant, bien négocié ce virage et ces marchés de dupes.
En effet, le pays préservant son intégrité, devrait retrouver la prospérité ainsi qu’un peu plus de libertés (voir aussi le modèle chinois pour l’exemple), sans pour autant tomber dans les bras de ses anciens ennemis. Dans la lutte régionale qui s’installe, reste à savoir comment concilier les deux leaders, sunnites d’un coté et chiites de l’autre. Leurs économies sont très différentes et donc leurs intérêts. Si l’Iran a une population nombreuse et qualifiée, une industrie en devenir (même dans l’armement), on ne peut en dire autant d’un royaume saoudien faisant appel à la main d’œuvre étrangère. Le levier « pétrole » risque d’être le facteur d’influence majeur et aura des répercussions dans l’économie mondiale qui se dirige vers de nouvelles explosions de bulles financières.