La simplification des procédures administratives en vue de favoriser la création d’entreprises et d’attirer les investisseurs étrangers est une action qui figure à l’agenda des gouvernements successifs depuis longtemps : bien avant la révolution de janvier 2011. Pourtant, quand on interroge aujourd’hui les jeunes et moins jeunes entrepreneurs, ils sont presque unanimes à déplorer une administration qui joue un rôle d’obstruction…
Même en laissant de côté les mesures en trompe-l’œil dont l’ancien régime s’était fait le spécialiste, on se rend compte que les actions de simplification des procédures administratives, voire de suppression pure et simple dans certains cas, ne donnent qu’un résultat médiocre et décevant. Comme si, avec ou sans procédure, l’administration tunisienne parvenait à perpétuer le pli qu’elle a pris dans le passé, celui du père-fouettard qui met un point d’honneur à briser les élans et à tuer les enthousiasmes…
«J’empêche donc je suis» semble être la devise de notre administration, à laquelle les agents reviennent de façon plus ou moins inconsciente, au moindre accrochage avec le citoyen en général et avec l’entrepreneur en particulier. On a beau multiplier les changements sur le papier, rien n’y fait : le même esprit revient au galop, plein d’antagonisme et d’une malveillance parfois à peine dissimulée. Pourquoi ?
Parce que ce n’est pas ainsi que l’on modifie les anciennes habitudes. Il faut qu’entrepreneurs et agents de l’administration apprennent à coopérer dans le cadre d’un jeu nouveau, d’un jeu où ils se perçoivent et s’éprouvent au quotidien comme des coéquipiers. L’entrepreneur n’est pas seulement un individu tout à la tâche de faire de sa personne le propriétaire du maximum de biens possibles, même si de tels spécimens existent. Il est d’abord un pourvoyeur d’idées, puis d’emplois, puis de richesses dont l’Etat, ou la communauté nationale, pourra prendre sa part à travers les prélèvements fiscaux. Il doit en outre naviguer dans les mers agitées de la concurrence, qu’elle soit locale ou internationale, et disposer par conséquent d’une marge de manœuvre suffisante…
Certes, le gain est une motivation importante mais, quand le contexte est favorable, il permet de développer le projet, donc de créer plus d’emplois au profit de nos concitoyens et plus de richesses en lesquelles l’Etat pourra puiser. On voit que, bien conçu, entrepreneuriat n’exclut pas du tout une certaine forme de partage.
De l’autre côté, l’agent de l’administration ne doit pas s’enfermer soi-même dans l’image d’un travailleur au service d’autrui mais qui serait mal récompensé. Au service d’autrui, il n’est pas le seul à l’être et son rôle est justement de veiller à ce que tout le monde le soit, selon un mécanisme de solidarité générale qui est à respecter dans ses procédures… Il n’a pas besoin d’empêcher pour faire respecter, il lui suffit d’accompagner, de veiller avec prévenance à ce que l’engagement dans l’action, sans du tout être entravé, s’accorde avec les dispositions de la nouvelle règle du jeu.
Ce rôle est éminent et n’a nul besoin d’être dégradé par celui d’un salarié aigri et procédurier.
Mais il revient au gouvernement, par-delà les mesures de simplification, d’assumer son rôle à lui : initier le nouveau jeu et en être l’animateur assidu et énergique.