L’intervention de 2011 en Libye : une erreur, des erreurs ?

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Extrait du Rapport d’information sur la Libye (présidé par Nicole Ameline, 2015) à destination de l’Assemblée nationale.

L’intervention de 2011 était-elle évitable ? Surtout a-t-elle à elle seule entraîné la Libye dans le « chaos » souvent décrié par certains médias ? Le maintien de la dictature était-il préférable à la déstabilisation du pays ?

Peu d’interlocuteurs de la mission ont remis en question la réussite de l’opération sur le plan militaire, en revanche pour vos rapporteurs, s’il est clair que l’intervention de 2011 a souffert de l’imprécision de ses objectifs stratégiques et d’insuffisances dans la gestion de la sortie de crise, elle a sûrement permis d’éviter un massacre annoncé, tandis que la déstabilisation du pays ne peut servir en aucun cas à réhabiliter l’ancien régime.

Il faut d’abord souligner le fait – trop souvent oublié – que le soulèvement de 2011 a été fondamentalement civil et démocratique, même si il a été débordé et noyé dans sa militarisation immédiate. La chute d’un régime qui a été victime de ses propres dysfonctionnements et excès est née d’un mouvement spontané de révolte d’une bonne partie de la population.

Quatre jours après le départ d’Hosni Moubarak, la vague initialement venue de Tunisie touche aussi la Libye, malgré quelques tentatives de Kadhafi pour désamorcer la protestation, notamment la suppression des taxes sur les produits alimentaires, et faire pression sur ses relais pour qu’ils calment les mécontents.

Ainsi, le 17 février 2011, un mouvement parti de la fraction la plus emblématique de la société civile, les avocats, aboutit à une large contestation du régime. C’est en effet l’arrestation du défenseur des droits de l’homme, Fehti Tarbel, le 15 février, qui déclenche des protestations à Benghazi. Cette contestation a alors dépassé les clivages qui marquaient la société libyenne, le mouvement insurrectionnel s’est organisé sur la base d’une large mixité sociale, où l’origine tribale ne comptait que peu, comme le montre la composition des unités combattantes insurgées.

L’impulsion vient notamment de la Cyrénaïque, province marginalisée et perçue comme frondeuse, en particulier Benghazi, mais le mouvement gagne très vite l’essentiel des villes et des provinces côtières, comme Misrata, ville industrieuse importante, Zaouia, à 50 km de Tripoli, et des quartiers de Tripoli même.

Contrairement à l’idée reçue d’une rébellion sous perfusion internationale, les insurgés ont rapidement créé une situation de fait sur le terrain avant même le vote de la résolution 1973 – en un mois, une large partie de la Cyrénaïque échappe au pouvoir : Tobrouk, Derna, El-Beïda, Benghazi, Ajdabiya. De plus, le soulèvement a été populaire avant de se donner une direction politique. Le Conseil national de transition (CNT) est créé le 27 février 2011 – y siègent des diplomates, des hommes d’affaires, d’anciens hauts fonctionnaires et politiques ayant fait défection, rejoints par des exilés rentrés au pays. Ce groupe, incarné par Mahmoud Djibril, n’est d’ailleurs pas représentatif de tous les groupes, de toutes les régions qui se sont soulevées et ne tardera pas à s’opposer à l’autre branche de l’insurrection, qu’on pourrait dire en schématisant, « de l’intérieur », et qui comprend notamment des représentants de l’islam politique.

Selon les interlocuteurs de la mission, c’est l’intransigeance de Kadhafi qui a rendu impossible tout règlement pacifique et poussé la rébellion à en appeler à un soutien extérieur. La brutalité de la répression, qui aurait fait entre 100 et 200 morts dès les trois premiers jours des manifestations, débouche sur des émeutes et des soulèvements locaux, avec l’aide d’une partie de l’armée régulière et des tribus ralliées au mouvement.

Victorieux à Benghazi et à Misrata, le soulèvement est en revanche écrasé dans la capitale. Kadhafi, qui a publiquement voué les insurgés à l’extermination, « ruelle après ruelle, demeure après demeure », lance début mars une vaste contre-offensive avec des unités d’élite restées loyales, afin de reprendre l’Est libyen.

A l’emballement médiatique répondent alors les appels de plus en plus pressants de la communauté internationale. L’Union africaine souligne la légitimité des aspirations du peuple libyen à la démocratie et à la justice. Le 12 mars, le Conseil des ministres de la Ligue des États arabes lance un appel au Conseil de sécurité afin qu’il impose immédiatement une zone d’exclusion aérienne et qu’il assure la protection des populations civiles. Le Secrétaire général de l’Organisation de la Conférence islamique a lui-même condamné les violations graves des droits de l’homme et du droit international en Libye. En revanche, l’Union africaine est défavorable à une intervention militaire.

Face à l’intransigeance absolue du pouvoir libyen, devant la progression des forces loyalistes, considérant que le temps et l’inaction jouent en faveur du régime, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte, le 17 mars, par dix votes positifs et cinq abstentions, la résolution 1973 qui autorise «toutes mesures nécessaires (…) pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque (…), tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit ».

Après une première phase où les forces de frappe américaine et française sont décisives – le 19 mars, les forces aériennes françaises réalisent leurs premières frappes contre les forces de Kadhafi qui avancent sur la ville de Benghazi, l’opération passe, le 31 mars, sous commandement de l’Otan. Benghazi est ainsi sauvée à la dernière minute par les airs.

Après ce sauvetage, les frappes de la coalition internationale permettent de renverser l’équilibre des forces au profit de la rébellion, qui reconquiert progressivement le terrain.

Après un deuxième soulèvement, fin août, la capitale finit par être libérée elle aussi, et les derniers bastions kadhafistes de Syrte et de Bani Walid, au Sud de Misratah, tombent à la fin du mois d’octobre. Le 20 octobre 2011, un Mirage français et un drone Predator américain ciblent et immobilisent le convoi de Kadhafi, qui tentait de fuir Syrte.

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Selon Bernard-Henri Lévy, los de son auditions par la mission : « nous aurons sans doute plus à rougir de ne pas être intervenus en Syrie que d’être intervenus en Libye ». Certains interlocuteurs de la mission ont eux aussi jugé que sans intervention, la guerre aurait pu s’installer et la Libye aurait pu devenir une sorte de Syrie. Kadhafi serait, aujourd’hui, un autre Bachar al-Assad. Et le nombre de morts se chiffrerait en dizaine de milliers, pour ne pas dire davantage. Il est évidemment impossible d’en juger a posteriori à moins de se livrer à un dangereux exercice de politique fiction. Il n’en demeure pas moins que la campagne aérienne en Libye, qui avait pour objectif explicite d’empêcher le dictateur Kadhafi de massacrer la population de Benghazi, a à court terme, incontestablement sauvé de nombreuses vies. Tous les interlocuteurs rencontrés par la mission en ont convenu : on ne peut nier les objectifs humanitaires du soutien aux insurgés.

Pour reprendre l’expression de Hubert Védrine lors de son audition par la mission, « il serait excessif de qualifier l’intervention de 2011 d’erreur, car il faut garder en tête le contexte » : celui de soulèvements populaires, portés par des aspirations démocratiques authentiques, gagnant successivement la Tunisie, l’Egypte et la Libye, celui de la menace d’un bain de sang, celui de l’appel des habitants de Benghazi, et de la demande de soutien de la communauté internationale. Était-il encore possible de convoquer une conférence de Genève pour maintenir Kadhafi en mars 2011 ? On peut en douter car celui-ci avait manifestement choisi la voie de la répression brutale du mouvement populaire.

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En tout état de cause, et sur ce point, les interlocuteurs de la mission ont été unanimes, les difficultés que traversent aujourd’hui le pays ne peuvent justifier la réhabilitation du régime de Kadhafi. L’intervention militaire de 2011 a certes marqué la voie du désordre actuel en accélérant la chute de Kadhafi, mais la militarisation immédiate de la réponse du régime au soulèvement populaire a précipité « l’émergence d’une résistance armée qui n’a pu échapper à sa prise en otage par les seigneurs de guerre ».

Surtout, la situation actuelle de fragmentation politique et sécuritaire et de délitement de la société libyenne, est bien le produit de quarante ans d’autoritarisme populiste et de régime de terreur, dont la peur hante d’ailleurs toujours les Libyens. L’ère Kadhafi s’est close dans le fracas et le tumulte, car, au contraire de la Tunisie ou encore de l’Egypte, la « fragmentation de l’appareil sécuritaire libyen – « tribalisation » de l’armée, atomisation et morcellement des forces de sécurité, usage de milices, d’unités prétoriennes patrimonialités et de mercenaires – a systématisé l’usage de la violence dans la société libyenne ».

Ceci tient au mode de gestion des affaires publiques et de distribution de la rente pétrolière en Libye, où l’individu n’était relié au pouvoir établi au niveau national et ne recevait son dû que par le biais du groupe auquel il appartenait. Kadhafi assurait la « régulation » de ce système, tout en livrant une «campagne concertée permanente contre l’Etat ».

Aujourd’hui encore, par habitude prise, mais aussi en raison du trouble sécuritaire, chacun soutient « le chef de guerre » tribal ou ethnique qui seul assure sa protection et sa survie. Il faut peut-être en déduire, le rapport y reviendra, qu’une certaine dose d’imagination politique est nécessaire pour réguler la Libye de demain – cela ne passera pas seulement par la «démocratie » au sens où nous l’entendons, c’est-à-dire comprenant une majorité et une minorité, étant entendu que la minorité n’aura pas les garanties que ses droits seront préservés par la majorité et donc n’aura d’autres choix que de prendre les armes.

L’exemple tunisien est à ce propos éclairant puisque ses dirigeants ont eu dans un premier temps l’intelligence d’intégrer Ennahda au pouvoir, au moins jusqu’à ce que l’état de droit soit consolidé.

Certains considèrent cependant que deux erreurs ont été commises : outrepasser les termes de la résolution des Nations Unies et ne pas assurer le suivi après l’intervention.

Il y a eu à la fois un manque de consensus – y compris au niveau européen – sur les objectifs stratégiques de cette opération, mais surtout, un réel déficit de pilotage politique, souligné par l’ensemble des interlocuteurs de la mission, dans l’appui à la transition libyenne.

a) Pour certains, l’opération a débordé le cadre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité – de la protection des civils à la mort de Kadhafi – et nous en payons encore le prix sur la scène internationale.

L’opération Harmattan a été autorisée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui prévoyait :

– la protection des civils par tous moyens (tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit) ;

– l’interdiction de tout vol dans l’espace libyen autorisant les États participants à l’opération à recourir à tous moyens pour empêcher les vols non autorisés ;

– le renforcement de l’embargo sur les armes prévu par la résolution 1970 du Conseil de sécurité.

À l’issue du sommet de Paris, qui s’est tenu à l’Élysée le 19 mars 2011, en présence des représentants de la Ligue Arabe, de l’Union européenne, des États-Unis et des Nations Unies, le président de la République a annoncé le début des opérations militaires en application de la résolution 1973. «Ensemble, nous avons décidé d’assurer l’application de la résolution du Conseil de sécurité de l’organisation des Nations Unies, a déclaré Nicolas Sarkozy, président de la République. Nos forces aériennes s’opposeront à toute agression des avions du colonel Kadhafi contre la population de Benghazi. D’ores et déjà, nos avions empêchent les attaques aériennes, d’ores et déjà d’autres avions, français, sont prêts à intervenir contre les blindés qui menaceraient des civils désarmés.»

L’OTAN a pris rapidement le relais de la coalition internationale – bien qu’il semble que la France ait été partisane de conserver une autonomie stratégique – en menant, de mars à octobre 2011, l’opération militaire Unified Protector en Libye, encadrée par les résolutions 1970 et 1973 du CSNU et en coopération avec certains Etats de la région (Qatar, Émirats arabes unis, Jordanie, Maroc).

Cette opération visait à faire respecter l’embargo sur les armes afin de bloquer l’approvisionnement – notamment par la mer – de l’Etat libyen ; imposer une zone d’exclusion aérienne afin d’empêcher les bombardements de civils, et mener des frappes aériennes contre les forces militaires impliquées dans des attaques contre la population.

Les divergences sur les objectifs de l’opération étaient d’emblée palpables. Pour certains, il s’agissait simplement d’obtenir un cessez-le-feu pour encourager les parties à discuter ; pour d’autres, il fallait renverser Kadhafi.

Au Conseil de sécurité de l’ONU, ni la Chine, ni la Russie, ni l’Afrique du Sud ne s’opposent à la résolution 1973, proposée par la France et le Royaume-Uni. Ils choisissent, le 17 mars, de s’abstenir, donnant implicitement leur aval au texte qui autorise les États membres à « prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations ».

Les enchaînements qui ont conduit au renversement et à la mort du colonel Kadhafi ont néanmoins débordé le cadre de la résolution. Certes les enchaînements mis en branle avec l’intervention étaient difficilement maîtrisables. De plus, selon certains commentateurs, l’ambiguïté de la résolution du Conseil de sécurité était inévitable.

Moscou et Pretoria ont dénoncé l’ampleur de l’opération, dans les airs mais aussi, plus discrètement, au sol, où des commandos et des officiers de liaison prêtent main-forte à des rebelles. Dès avril 2011, le ministre russe des affaires étrangères affirme, après une réunion avec ses homologues de l’Alliance atlantique à Berlin : « aujourd’hui, nous assistons à des actions qui dans un certain nombre de cas outrepassent le mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies ».

Les Russes ne manquent pas de nous le rappeler régulièrement. Ainsi plus récemment cette année, et devant le Conseil de sécurité, Serguei Lavrov a dénoncé «les manipulations grossières avec le mandat du Conseil de sécurité qui se sont soldées par des destructions et un chaos incessant en Libye. »

b) Une stratégie insuffisante de sortie de crise : les difficultés à gérer le « jour d’après » par manque de pilotage politique de la communauté internationale confrontée aux réalités et exigences locales.

Selon l’ensemble des interlocuteurs de la mission, ce qui a fait aussi défaut, c’est « le jour d’après ». Selon certains, les effets potentiellement déstructurants de cette opération ont indéniablement été sous-estimés.

Du point de vue des militaires français, l’opération Harmattan a été un succès. Et pourtant, le vide politique et sécuritaire né de la chute de Kadhafi est extrêmement nuisible pour la stabilité de la région et pour les intérêts de sécurité européens.

Le processus n’était pourtant pas condamné à dérailler.

Jusqu’à l’organisation des élections et la constitution d’un gouvernement, le processus était encore sous contrôle. Trois jours après la mort de Kadhafi, survenue le 20 octobre 2011, le Conseil national de transition (CNT) proclame la libération du pays. Un gouvernement de transition, essentiellement composé de techniciens et censé représenter l’ensemble du territoire, est nommé fin novembre, puis un Congrès général national (CGN) est élu le 7 juillet 2012. Le succès des élections, qui est fêté par la population, est d’autant plus remarquable que la grande majorité des électeurs n’avait aucune expérience en la matière, le dernier scrutin datant de 1964 en Libye.

Mais, après les élections, ni la France ni la communauté internationale n’ont mesuré, en juillet 2012, que la Libye était toujours en situation de post-guerre civile, avec une forte polarisation des vainqueurs et des vaincus, ce que les experts dépêchés sur place, qui connaissaient pour la plupart pas ou mal la Libye, n’ont pas perçu. S’y ajoute une méconnaissance de l’état de fragmentation de la société libyenne et du vide institutionnel dans lequel vivait le pays.

Les divers clivages et fractures de la société libyenne n’ont pas tardé à reparaître et ont pris rapidement un tour militaire ce à quoi la communauté internationale n’a pas réagi assez fort et assez tôt.

Surtout, la planification de l’après-crise a clairement pêché par manque de pilotage et de volonté politique. Selon la chercheure Virginie Collombier, auditionnée par la mission, l’une de nos erreurs fondamentales en 2011, a été, par peur de reproduire l’expérience afghane ou irakienne, de ne pas avoir voulu nous impliquer dans le processus de transition : « les Libyens nous ont dit de partir, et nous avons été heureux de nous exécuter.»

Les Libyens ne souhaitaient pas d’une présence militaire étrangère sur leur sol. Mais certains auraient été prêts à accepter une aide civile, pour former la police, pour aider à mettre en œuvre des procédures de désarmement et à réintégrer les unités combattantes dans le civil. Les efforts répétés en ce sens de la France et de la communauté internationale n’ont hélas pas trouvé d’écho favorable sur le terrain ni les moyens d’imposer leurs vues. Pourtant, il y avait des marges d’action possibles. Il importe de ne pas oublier cette réalité pour l’avenir.

c) La crise libyenne a révélé la fragilité de l’Europe en matière de politique étrangère et de défense

L’opération a également fait apparaître avec éclat un manque de consensus au niveau européen, en particulier une fragilité inquiétante du « couple franco-allemand » en matière de défense, fragilité préjudiciable à l’Europe, mais aussi à la France.

Les Américains, dont l’appui opérationnel a été fondamental dans les premiers succès militaires de l’intervention, ont fait le choix de laisser aux Européens l’initiative politique et le leadership de l’opération. C’est d’ailleurs à l’occasion de l’intervention en Libye qu’une nouvelle doctrine d’intervention américaine a fait son apparition : « leading from behind » (leadership « en retrait ») du moins lorsque Washington considère que les intérêts américains ne sont pas directement menacés.

Pourtant, l’Union européenne s’est montrée incapable de saisir l’occasion pour s’affirmer comme acteur diplomatique de poids dans son voisinage sud. Elle se contentera, durant la crise, de déclarations sans réelle portée et d’un soutien humanitaire, ce qui d’ailleurs fait dire à certains commentateurs que l’Union européenne s’était comportée en Libye non pas comme une puissance, mais comme une ONG. Ce sont principalement la France, la Grande-Bretagne et l’Italie qui ont eu à assumer le rôle de moteur politique de l’opération, mais aussi le suivi de cette intervention et les retombées politiques négatives liées aux difficultés de la transition.

Après s’être abstenue sur le vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Allemagne, qui ne souhaitait pas s’associer à l’intervention militaire de l’OTAN en Libye, a décidé de retirer ses militaires AWACS stationnés en Méditerranée dans le cadre de l’opération Active Endeavour, ses quatre bâtiments engagés dans le cadre de cette opération ainsi que 70 personnels responsables de la flotte. Ces décisions ont placé les alliés de l’Allemagne dans une situation difficile, car ils ont conduit à affaiblir les moyens de l’OTAN justement au moment où ceux-ci étaient nécessaires.

L’abstention de l’Allemagne a en outre provoqué un certain malaise en Europe. Sa position ambigüe entre soutien affirmé au peuple libyen, et refus de participer à une intervention, n’a pas permis d’atteindre un consensus européen sur le sujet : sans le triangle Paris-Londres-Berlin, impossible d’emporter l’adhésion de tous les pays membres, notamment en Europe de l’Est – à l’exception notable de la Pologne, de la Roumanie et de la Bulgarie.

Au total, 19 pays ont participé, dont une majorité d’Europe occidentale. Pourtant la France a plaidé en faveur d’une gestion des opérations par l’Union européenne dans le cadre d’une mission de PSDC. On l’a vu, c’est finalement le recours à l’OTAN qui s’est imposé, en raison des défauts capacitaires de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) – seuls deux pays, la France et la Grande-Bretagne, disposaient de toute la gamme nécessaire à l’intervention et cette dernière a choisi le cadre otanien.

Il aurait au moins été possible à l’Union européenne de faire respecter la mise en œuvre de l’embargo maritime sur les armes prévu par la résolution 1970 du conseil de sécurité. Son action s’est finalement bornée à un plan d’action humanitaire dans le cadre de la PSDC (EUFOR Libya), jamais véritablement mis en œuvre.

Au final, lenteur de la réaction – due à la difficulté de mobiliser 27 Etats membres et à l’absence de positionnement politique fort de Catherine Ashton – et cacophonie : la crise libyenne aurait révélé aussi « l’inconsistance » de la politique étrangère et de défense européenne. Interventionnisme


TL;DR : L’intervention des Etats-Unis et de certaines nations européennes en Libye en 2011 a permis d’éviter un bain de sang. L’échec postérieur de la transition n’est pas tant une conséquence de l’opération militaire contre le régime que de l’absence de projet politique pour l’après Kadhafi. Cette crise a révélé la faiblesse de l’Union européenne face à l’OTAN sur la scène diplomatique et militaire.

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