Aujourd'hui comme hier.

Photo

En dépit du réchauffement climatique, les jonquilles et les myosotis sont encore bien seuls dans l’art d'égayer les courtils et dans les buissons et les haies, les forsythias hésitent toujours à libérer leurs petites fleurs jaunes. Seuls les marronniers arborent déjà fièrement leurs énormes gourmes en plein débourrage. C’est que le calendrier est formel, le printemps ne commence officiellement que le dimanche 20 mars, jour, cette année, de la fête catholique dite des rameaux.

Elle était autrefois allouée au nettoyage des tombes des défunts et au dépôt d’un bouquet de buis béni par le curé du village à l’issue de l’office dominical. Elle donne à présent le signal de départ des salons du livre et de la course des tondeuses à gazon dans les jardinets bien proprets des nouveaux ruraux. Mais toutes les traditions ne se diluent pas ainsi au fil du temps post-moderne.

Il en est une remontant au siècle dernier qui perdure encore. À l’approche des beaux jours et poussés sans doute par quelque sauvage bousculade d’hormones, les adolescents boutonneux sont, aujourd’hui comme hier, fortement incités à jeter eux-aussi leur gourme par-dessus les moulins. Comme s’ils voulaient commémorer le légendaire printemps de 1968 qui vit leurs grands-parents lancer les pavés des rues contre les Compagnies Républicaines de Sécurité ! L’affaire commença lorsque naquit l’éphémère et mythique mouvement libertaire dit du 22 mars.

Il s’agissait alors, pour les étudiants de la faculté de Nanterre, de conquérir le droit de visiter les étudiantes dans leurs chambres universitaires afin de discuter philosophie à propos du célèbre Marx de Louis Althusser ou de sémiologie selon le Critique et Vérité de Roland Barthes. Des mauvaises langues prétendirent qu’ils ne voulaient en réalité que célébrer comme il se doit la saison des amours.

Les autorités opposèrent donc un refus catégorique. L’ambiance s’envenima. Les fameux "événements" s’ensuivirent qui devaient marquer à jamais la mémoire des actuels septuagénaires et imprimer avec éclat quelques pages de l’Histoire du Xxème siècle. Depuis, les gamins subissant les mêmes pulsions intellectuelles que leurs aînés dès que refleurit l’aubépine, ils se réunissent dans de vastes amphithéâtres à moitié vides pour élaborer avec ferveur et enthousiasme des slogans rudimentaires qu’ils vont ensuite vociférer de Bastille à Nation devant les caméras de la télévision.

Priorité à l’éducation, non à la loi travail, les étudiants ne battent pas en retraite, ne touchez pas à notre futur, non à la régression sociale. Qui oserait défiler dans les grandes artères de nos villes en criant le contraire ? Qui oserait répondre au journaliste complaisant qu’il est contre l’éducation et pour la régression sociale ? Hormis quelques "zadistes" bien sûr, prudemment retranchés derrière leur foulard noir et la fumée des gaz lacrymogènes.

Mais il fait toujours bon crier quelque vérité incontournable pour se sentir revivre au sortir de l’hiver sinon même exister. Que restera-t-il demain de toute cette fièvre printanière ? Quelles indignations ? Quelles impatiences ? Quelles fraternités ? Voilà, par contre, qui laisse bien des choses à penser.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات