Les préalables d’une guerre à mener

Photo

Les mesures à prendre pour réduire l’effet néfaste de la corruption dans la vie économique peuvent être d’ordre technique. Dans tous les pays où le problème existe et où il a pu prendre une ampleur relativement fâcheuse, il y a des actions envisagées, souvent d’ordre préventif, qui relèvent de ce que l’on appelle aujourd’hui la «bonne gouvernance»… A côté de dispositions qui consistent à supprimer le papier pour le remplacer par l’informatique en raison du fait que cela permet une «traçabilité» des opérations, la bonne gouvernance est un ensemble de pratiques vertueuses qui consacrent la disposition de chacun à rendre compte de ses actes : c’est la fameuse «transparence» !

Dans une large mesure, la lutte contre la corruption consiste moins à faire traquer les malhonnêtes gens par les honnêtes gens qu’à obliger ces derniers, les honnêtes, à se laisser traiter en qualité de malhonnêtes en puissance…

Exactement comme dans le cas de la lutte contre le terrorisme où vous et moi nous nous prêterons sans façon à la fouille de nos bagages et de la moindre de nos affaires à l’aéroport, comme si nous pouvions être porteurs d’une arme ou d’une bombe.

Car à l’instar du terroriste, le fauteur de corruption est un individu qui se dissimule dans la foule. Il a l’art de ressembler à s’y méprendre à un honnête homme. L’antidote est donc que l’honnête homme joue lui-même à faire comme s’il pouvait être malhonnête. Qu’il se prête volontiers au contrôle le plus rigoureux…

Contre le principe habituel qui affirme la présomption d’innocence, il va instaurer l’ordre selon lequel plus on est honnête, plus on accepte d’exposer la moindre de ses actions à la lumière blafarde du contrôle électronique. Ainsi, le malhonnête qui voudra se faire passer pour honnête ne le pourra plus, car cela suppose qu’il fasse lui aussi l’épreuve de cette lumière, ce à quoi il ne tient pas.

Les conditions de la dissimulation se trouvent donc supprimées, de fait.
Mais la lutte contre la corruption ne saurait s’en tenir à ces méthodes, si efficaces et ingénieuses soient-elles. Elle suppose un engagement citoyen, une action de forte réprobation qui, derrière la banalité des pratiques prétendument «coutumières», démasque et dénonce la vilenie et la bassesse de celui qui triche au détriment du droit d’autrui, qui s’octroie un gain facile au mépris de toute considération d’équité, qui falsifie les règles du jeu pour favoriser ses intérêts propres…

Il faut en effet un sursaut, de caractère moral, qui permette de provoquer une rupture dans nos habitudes. De sorte que la sanction qui peut intervenir en vertu de la loi arrive comme un surplus, bénéficiant alors d’un soutien massif et sans ambiguïté de la part du citoyen.

La lutte contre la corruption a besoin de cette dimension citoyenne. Elle serait mal engagée, et vouée à l’échec si, au moment de sévir, la loi se retrouvait face à une sorte de sympathie complice et douteuse du citoyen envers la canaille… Cela voudrait dire que le travail de préparation de la guerre à mener est un travail bâclé.

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات