L’Union djihadiste européenne

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Il n’aura, par contre, fallu que quatre jours pour que l’attentat qui devait s’ensuivre arrive. Une attaque djihadiste coordonnée a touché l’aéroport de Bruxelles et une station de métro située à 500 mètres du quartier général de l’Union européenne.

En tant que scénario de rétorsion, il était largement prévisible. Le ministre des Affaires étrangères belge Didier Reynders avait même prévenu durant le week-end que des attaques étaient imminentes. Plus inquiétante encore, cette fuite disant que les services secrets belges, comme les agences de renseignements occidentales, avaient des informations précises sur la possibilité d’une attaque à l’aéroport et dans le métro.

Encore plus significatif, et avant l’arrestation d’Abdeslam, le sultan néo-ottoman Erdogan en personne, dirigeant d’un important allié de l’OTAN, l’avait prédit : « Il n’y a aucune raison que la bombe ayant explosé à Ankara n’explose pas aussi à Bruxelles ou dans toute autre ville européenne ». Bien sûr, Erdogan était en train d’insinuer une fausse et sinistre relation entre les Kurdes et les djihadistes salafistes, mais cela résonnait comme s’il exprimait quelque chose à mi-chemin entre la prophétie et la menace.

Schengen, le mort vivant.

Une fois de plus, l’Europe a été entraînée dans la même vieille histoire tordue. Deux frères djihadistes suicidaires. Un expert en explosifs d’État islamique, le même qui a pu fabriquer les vestes suicides utilisées à Paris, chargées de triacétone triperoxyde (TATP). Un terroriste rescapé laissant ses dernières volontés sur son ordinateur. Un mystérieux fusil retrouvé près du cadavre d’un des djihadistes. Aucun passeport ne fut trouvé, du moins pas encore. À la place, on a retrouvé un drapeau d’EI.

Un raz de marée policier a congestionné les rues des capitales européennes pour calmer l’anxiété publique et pour l’effet dissuasif, comme si cette démonstration de force pouvait avoir d’autres résultats que de semer la peur.

Le département d’État états-unien, fidèle à son spectaculaire niveau d’inanités, a grommelé qu’EI se trouvait sous pression. Les diplomates états-uniens auraient tout autant pu faire appel à leur allié de l’OTAN, Erdogan, pour qui le faux califat d’EI peut au minimum être utilisé comme un outil pré-positionné et utilisable à volonté sur l’échiquier moyen-oriental.

Des hordes de politiciens européens ont lâché leurs plus belles larmes de crocodiles sur leurs costumes Zegna, en se lamentant d’une attaque contre l’Europe démocratique, une attaque pourtant perpétrée par des citoyens européens, nés et élevés en Europe, qui se sont transformés en djihadistes au cours de la guerre par procuration en Syrie, fomentée par quelques membres de l’UE.

Les appréciations concernant le dernier show européen, ces querelles féroces à propos du défi sécuritaire à l’Europe forteresse, ont surpassé la moyenne. Dans de nombreuses capitales européennes, la diabolisation des réfugiés et la décapitation du multiculturalisme ont été, toutes les deux, frénétiquement célébrées.

Quant à Schengen, qui est déjà à l’état de mort vivant, on lui tire dessus à boulets rouges et, ma foi, il est quasiment mort.

La fin de Schengen pourrait coûter jusqu’à 100 milliards de dollars à l’UE. La xénophobie et l’islamophobie, qui sont offertes en suppléments gratuits, ne se sont, de leur côté, jamais aussi bien portées.

Les sources d’Europol disent qu’au moins 5 000 jihadistes ont pénétré l’UE déguisés en réfugiés. Pourtant personne ne se demande : s’ils ont été formellement identifiés, pourquoi n’ont-ils pas été arrêtés ? Au moins 400 d’entre eux sont prêts à tout casser en Europe.

La porte parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, évitant le bourbier de la désinformation, a au moins rappelé à tout le monde les tristes résultats du double standard européen, celui qui permet de distinguer les bons terroristes (les rebelles modérés), des méchants.

L’aéroport de Bruxelles est justement situé à quelques kilomètres du quartier général de l’OTAN, dont la prétendue mission est de garantir la sécurité de l’Europe alors qu’en réalité elle se comporte comme un Robocop, de l’Afrique jusqu’en Asie centrale. Pendant ce temps, les djihadistes visent tranquillement un aéroport théoriquement placé sous haute sécurité et une station de métro située à un jet de pierre de Berlaymont, le quartier général de la Commission européenne. Ils ont peut-être même planifié de s’en prendre aux deux centrales nucléaires de Doel et Tihange.

Le fait qu’EI puisse exploser des citoyens européens et d’autres nationalités, juste sous le nez de l’OTAN, ne manque pas de soulever de sérieuses questions. Encore plus lorsque l’on sait que pour l’OTAN et sa triste galerie de Strangeloves, Breedloves et autres Breedhates, l’ennemi numéro un n’est pas le djihadisme salafiste mais la démoniaque Russie.

A quand une protection humanitaire (R2P) pour l’Europe ?

Il est toujours éclairant de voir comment le monde des think tanks usaméricains peut traduire l’événement. À la suite des attentats de Paris, tout le monde a applaudi lorsque la France s’est déclarée en guerre, a augmenté ses activités militaires au Moyen-Orient et a voté un Patriot Act à la française destiné à rester longtemps en place.

Maintenant, les penseurs de la nation exceptionnelle sont dégoûtés parce que l’Europe n’a même pas d’armée (en fait si : l’OTAN) et donc ne peut pas réagir à ce qu’ils ont nommé le 11 septembre belge. Bien sûr que l’OTAN pourrait réagir, elle pourrait se jeter contre EI dans tout le Syrak en invoquant, de bonne foi cette fois, le droit à protéger (dans ce cas pour des centaines de millions de civils européens). Mais non. Ce n’est pas, et n’a jamais été, une priorité.

En rejeter toute la responsabilité sur la Belgique en l’accusant d’être un État failli est trop facile. Elle en a bien sa part mais pas la plus importante.

Il faut s’attendre à voir les dirigeants européens convoquer un sommet pour faire quelque chose, n’importe quoi, au sujet d’EI. Peut-être en leur offrant un accord comme celui récemment passé avec l’allié de l’OTAN, Erdogan, qui traite les migrants comme de la vulgaire marchandise et piétine la multitude de barrières logistiques et légales.

Bien entendu, alors que les corps ne sont pas encore enterrés, le premier ministre turc Amhet Davutoglu a encore une fois demandé la création d’une zone de sécurité en Syrie, insistant sur le fait que la sécurité européenne commence en Turquie.

La crise des réfugiés en Europe commence aussi avec la Turquie. C’est Ankara qui les a laissés partir en masse des camps où ils se trouvaient à l’origine. La question légitime est de savoir si Ankara aurait eu le courage d’inonder l’UE sans obtenir auparavant le feu vert de Washington. L’argument dans ce cas serait de forcer l’UE à accepter la Turquie dans l’Union, d’où la clause turque d’accélération des négociations, uniquement pour augmenter encore plus le parti pris anti-russe de l’UE.

L’UE pourrait aussi offrir comme accord à l’EI quelque chose comme « vous ne nous bombardez pas en Europe et l’on ne vous bombarde pas en Syrak ». Mais attendez, cet arrangement (informel) existe déjà, grâce à la coalition, menée par les États-Unis, entre l’OTAN et le Conseil de coopération du Golfe.

Ne vous attendez pas à ce que les politiciens européens vous expliquent clairement les choses, c’est-à-dire que la guerre européenne qui ne dit pas son nom contre la Syrie, surtout du fait que la France et de la Grande Bretagne arment les rebelles modérés, est en train de faire boomerang. Attendez-vous plutôt à l’enfer des mesures de sécurité dans les aéroports, où l’on va vous emmerder pour deux bouteilles de Perrier.

Il est maintenant bien établi que ce fut une décision volontaire de la part de Washington de laisser EI, apparu dans Camp Bacca, une prison américaine en Irak, naître et prospérer. L’aéroport de Bruxelles était sous régime de sécurité maximum. Une cellule de djihadistes salafistes a réussi à échapper à une vaste chasse à l’homme dans tout Bruxelles pendant quatre mois.

Un coup de poker à la Gladio, mené par le couple CIA/OTAN, comme au bon vieux temps, reste une hypothèse solide. L’opération Gladio a bien enfoncé dans les têtes des renseignements occidentaux le principe que tuer des innocents pour cette grande cause qu’est la raison d’État, est justifié.

Empêcher tout rapprochement économique et commercial entre la Russie et l’Europe reste un objectif important de la Nation Exceptionnelle. Cela implique un complot sous-jacent, les médias occidentaux vont continuer à geindre que tous ces dangereux musulmans sont en train de piétiner nos valeurs, alors que quand le terrorisme frappe la Russie alors, bien sûr, c’est de la faute à Poutine qui ne respecte pas les musulmans du Nord-Caucase.

Il se pourrait donc que dans notre environnement type Gladio du XXIe siècle, les opérations sous fausses bannières, cherchant à subvertir la démocratie par une stratégie de tensions, aient maintenant un autre objectif : contrôler et manipuler l’opinion publique européenne, par la peur, le terrorisme et les agents provocateurs (EI remplit bien sa mission), avec comme but orwellien ultime de garder l’Europe sous domination et soumise aux impératifs géopolitiques du Pays Exceptionnel.

Le but orwellien est toujours de diriger une société apeurée. Au moins, nous savons tous maintenant que ces mercenaires du Califat islamique ne vont jamais s’emmerder à attaquer l’OTAN, le soi-disant défenseur des valeurs européennes. Pourquoi le feraient-ils ?

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