Libye : La composante tribale : du problème à la solution

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Peut-on envisager l’instauration d’un climat de paix et de sécurité en Libye et, également, dans toute la région voisine de ce pays sans conférer aux tribus libyennes un rôle d’acteur primordial ? La réponse à pareille question n’est pas facile, car beaucoup d’entre nous pensent que le problème majeur de la Libye repose dans son morcellement tribal, dans la dissémination du pouvoir à travers les différentes régions du pays. Et que, par conséquent, il faudrait faire taire la voix des tribus pour passer à une conception plus moderne de l’Etat.

Il semble toutefois que le Centre international des études stratégiques, sécuritaires et militaires (Ciessm) ne partage pas cette analyse : pour lui, au contraire, il n’est pas possible pour nos voisins libyens d’avancer sur la voie de la reconstruction de leur pays en laissant de côté les acteurs qui représentent «les villes et les tribus»... C’est sans doute la raison pour laquelle il a organisé hier, dans la banlieue nord de Tunis, une rencontre à laquelle ont assisté des figures éminentes du Conseil supérieur des tribus et des villes libyennes, avec à leur tête Laajili El-Brini, président dudit Conseil.

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Objectif : faire des représentants de cette institution les protagonistes d’une dynamique de dialogue politique en Libye et, en même temps, des partenaires pour des acteurs d’autres pays, de la Mauritanie à l’Egypte, qui sont également soucieux de voir revenir les conditions de la sécurité dans toute la région. Rappelons que le Ciessm, dirigé par Mme Badra Gaâloul, est une organisation «indépendante de recherche à vocation associative» : ce qui lui confère une souplesse de manœuvre que n’ont pas les organisations plus officielles…

D’une façon générale, les acteurs libyens issus du Conseil des tribus ont le sentiment que tout ce qui est arrivé depuis février 2011 l’a été par une volonté étrangère. L’intervention de l’Otan, «au prétexte de protéger la vie des civils», a été suivie d’un «soutien aux milices islamistes»…

Et l’installation récente d’un nouveau gouvernement, emmené par Fayaz El-Sarraj suite aux accords de Skhirat, au Maroc, ne fait pas exception : plusieurs intervenants lors de la journée d’hier ont insisté sur le fait qu’ils n’ont pas été associés aux discussions ayant abouti à la mise en place de ce gouvernement.
Et pourtant — leur présence à cette rencontre en atteste — tous ces acteurs reconnaissent qu’ils ont un rôle à jouer pour, aujourd’hui, recréer en Libye les conditions de l’unité du peuple et de la souveraineté de l’Etat. Comme le souligne Khaled Ghouil, coordinateur des affaires libyennes au sein du Ciessm, la composante tribale est l’élément essentiel pour engager un dialogue en vue d’un consensus dont les libyens seraient, cette fois, les acteurs véritables.

Le président du Conseil, qui devait prendre la parole ensuite, a rappelé l’importance des tribus libyennes dans l’histoire du point de vue de la défense du pays contre la domination étrangère. Il a rappelé également que les tribus ont pris dès 2011 l’initiative de rencontres pour faire face aux événements qui survenaient, jusqu’à la formation du Conseil supérieur qu’il préside. Il a indiqué que son organisation disposait d’une «feuille de route» pour le retour de l’ordre et de la concorde et qu’elle lançait un appel aux tribus de l’autre côté des frontières libyennes afin qu’elles coopèrent dans la lutte contre le banditisme et le terrorisme…

La position du Conseil supérieur des tribus et des villes libyennes revêt une importance stratégique à ce stade d’évolution des événements parce qu’il représente la structure qui peut ramener autour d’une même table partisans et opposants de la révolution de février. M. Ali Bousbiha, responsable au sein du Conseil, le souligne en rappelant l’état de morcellement auquel a été réduit le pays, qui l’expose, dit-il, aux convoitises étrangères… «Il y a plusieurs tribus, mais une seule société !» Il conclut cependant sur une remarque au sujet des amazighs qui suscite pour le moins la perplexité : les amazighs seraient eux-mêmes d’origine arabe, et on aurait trouvé la trace de leur écriture — le tifinagh — au Yémen et à Oman !

Cette rencontre s’est poursuivie dans l’après-midi d’hier en réservant une place plus importante au débat. On notera cependant, parmi les intervenants, une remarquable apologie du dialogue de la part de M. Moncef Ouannès, enseignant tunisien en sociologie et spécialiste de la Libye… ainsi qu’une apostrophe dithyrambique à l’adresse de la directrice du Ciessm de la part d’une femme libyenne présente dans l’assistance, qui voyait dans l’organisation d’une telle rencontre une action méritoire que les Libyens n’ont pas su réaliser pour eux-mêmes dans le passé.

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