La Tunisie a besoin d’une opération « Mani pulite »

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L'Italie...pays de la mafia, de la camorra, des spaghettis, de la pizza, de l'art...démocratie, s’il en est, vérolée, certes, mais démocratie, fut secouée au début des années 1990 par le scandale lié aux collusions délétères et délinquantes entre la classe politique et le monde des affaires. Une équipe de choc, constituée de juges milanais intègres et inflexibles: Antonio Di Pietro, Piercamillo Davigo, Francesco Greco, Gherardo Colombo, Ilda Boccassini et sous la direction du Procureur Général Francesco Saverio Borrelli et de son adjoint Gerardo D'Ambrosio, mit au jour un système de corruption et de financement illicite des partis politiques surnommé Tangentopoli (de tangente, « pot-de-vin » et de poli, « ville » en grec).

Des ministres, des députés, des sénateurs, des journalistes, des entrepreneurs et même des ex-présidents du conseil furent impliqués. L'opération mani pulite (en italien, « Mains propres ») allait bouleverser le paysage politique italien jusque-là dominé par la Démocratie Chrétienne qui gouverna sans discontinuer pendant une cinquantaine d'années provoquant la disparition de partis historiques comme la Démocratie chrétienne (DC), le Parti socialiste italien (PSI), le Parti socialiste démocratique italien (PSDI) ou encore le Parti libéral italien (PLI).

Le bouleversement fut tel qu'on parle désormais d'un passage à une Seconde République. Tout un système corrompu démantelé par des magistrats courageux soutenus par une opinion publique indignée par les pratiques mafieuses d'une classe politique friponne et coquine.

De lourdes condamnations furent prononcées à l'encontre de tous les ténors de la vie politique et économique italienne, certains ne durent leur salut qu'à l'exil et à leurs amitiés avec des dictateurs pas trop regardant sur leurs méfaits (Craxi et...Hammamet)...Tous, furent bannis et à vie des institutions et interdits d'éligibilité.

Il n’y a pas eu de révolution en Italie, l'Italie était une démocratie, mais il a suffi que des magistrats décident de s'occuper des malfrats et de faire correctement leur boulot...sans justice transitionnelle ni livre noir, munis de leur bonne volonté, de leur conscience et du code pénal, pour que la république des coquins et des catins s'effondre et que les fripons paient!

Personne n'a crié au scandale, car le scandale aurait été de taire l'opprobre!

Or, en Tunisie et en dépit d’une « Révolution », gouvernement, présidence de la République et une bonne proportion de la classe politique semble plutôt enclins aux compromis compromettants et honteux si bien que « la réconciliation » promise à la mafiocratie ressemble à s’y méprendre à un camouflet pour l’Etat, pour sa Justice et pour toutes ses institutions, un déni de justice susceptible de légitimer les pires prévarications au nom d’une bien édulcorée « unité nationale » !

Chose bien étrange, même la « rue » demeure muette et incapable de s’insurger contre la permanence de phénomènes délictueux infâmes et abjects.

Je me rappelle une manifestation contre la corruption et les corrompus, au cours de l’automne dernier, on était à peine 2000 personnes à battre le pavé ce jour-là, et pourtant cette manifestation avait été organisée par une dizaine de partis dont le front populaire…

D'autres évènements similaires ont connu des échecs aussi cuisants.

Quand on ne mobilise pas la rue pour des thèmes aussi forts c'est que la rue n'est pas ou n'est plus mobilisable, ou parce que cette trentaine de partis n'ont ni militants ni effectifs.

C'est bien parfois que la grenouille s'imagine plus grosse que le bœuf, mais ça ne doit pas devenir une habitude.

Ce qui est décisif en politique et ça l'a toujours été ce ne sont ni les humeurs, ni les amours, ni les passions fugaces, ni les cabales des cuistres et des larbins, ni le narcissisme des faux prophètes et dévots, ni les idolâtries, ni les selfies, ni les âmes pieuses et vertueuses, ni les très grands principes mais c'est la capacité à mobiliser la rue, à enrôler des militants, à les garder unis, à les impliquer dans l'action politique et dans les grandes orientations, à leur apprendre à débattre avec conviction et intelligence, c'est de cette manière que naissent les partis de masse et que disparaissent les partis sans réelles structures et sans envergure.

Dur de se l'avouer, mais les faits sont là et bien têtus.

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