G. Locklin : Le dernier des damnés

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« Tous les écrivains ont appris à écrire en imitant leurs pairs, et le style d’un écrivain émerge à la fin de ce processus, non pas au début. »

Le dernier des damnés est un recueil de nouvelles. Et pourtant, j'ai eu l'impression de lire, après une trentaine de pages, un roman. Peut-être est-ce due à l'écriture Gerald Locklin, à ces fragments de vie quotidienne où les personnages sont en butte à leurs obsessions, leurs limites, leurs trahisons, leurs rapports avec leurs proches, leurs addictions ? Toujours est-il que l'ensemble est cohérent et qu'il forme une sorte de journal intime.

« Vous voulez une petite angoisse de castration ? Je vais vous donner une petite angoisse de castration : depuis le premier soir où j'ai trompé ma première femme, je dors en me tenant les couilles. »

Cette vie quotidienne est singulière. Parfois, des personnages vivent des moments dont certains, a priori anodins, modifient ou dévient le cours de leur existence, tels cet auto-stoppeur, employé de bureau en costard cravate, qui se fait offrir une chemise hawaïenne et qui quitte son job, ou cette femme qui, après une pub, change ses habitudes pour acheter des pièces en or dès qu'elle le peut, quitte à se priver elle et son mari…

« Les profs de fac qui écrivent en général sur Hemingway, en règle générale, ne sont pas de bons gars. C'est presque aussi simple que ça. Hemingway les rend jaloux. Ils seraient prêts à tout pour devenir Hemingway. Mais ce n'est pas un doctorat d'une grande université américaine qui fera de vous un Hemingway. Ce qu'ils considèrent comme une injustice cosmique, le pire déséquilibre de tout l'univers. Le fait que rien de ce qu'ils peuvent faire ou acheter ne pourra faire d'eux un Hemingway. Ils pourraient bien sucer toutes les bites du monde littéraire, lécher toutes les chattes, ils ne seraient toujours pas Hemingway. Un truc tout simplement pas normal. »

Singulière surtout quant il s'agit de la vie de Gerald Locklin, prof de littérature à l'université, poète, hommes à femmes (plusieurs mariages et plus encore de maîtresses), et buveur impénitent de bière. L'ensemble du récit est truffé d'anecdotes savoureuses.

« C'était la première fois en neuf ans qu'il lisait son œuvre en public, et il faisait ça gratos. Il y avait des règles très strictes qui interdisaient de manger ou boire dans l'auditorium. Ils faisaient passer les vieilles dames qui avaient une demi-tasse de café et un gâteau au chocolat déjà entamé pour des criminelles, mais lorsque Bukowski s'est traîné d'un pas lourd dans l'allée avec un pack de Budweiser, personne n'a osé lever le petit doigt.»

La dernière partie du recueil relate son amitié avec Bukowski qu'il a connu dès le milieu des années 70. Locklin parle du rapport de son ami avec la littérature et certains auteurs, l'alcool et les femmes, la politique et la guerre, le succès en Europe et l'indifférence aux Etats-Unis jusqu'à ce qu'un de ses romans soit adapté au cinéma… Un livre iconoclaste et passionnant.

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