Bleus sans Beurs

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Pour l’heure, la « famille » du football hexagonal refuse d’accepter l’idée que la France n’est pas un grand pays de football. Une vérité que confirment pourtant les piètres performances de ses clubs dans les compétitions européennes. Qu’on en juge, à peine deux victoires (Marseille en 1993 pour la Ligue des Champions et Paris Saint-Germain en 1996 pour la Coupe des vainqueurs de coupe) en soixante ans !

Ces chiffres méritent d’être rappelés à nombre de confrères français qui ont tendance à commenter l’actualité footballistique comme si leur pays était la référence absolue. Pour eux, il ne devrait même pas s’agir d’être modeste mais simplement de faire preuve d’humilité et, plus important encore, de s’interroger sur les raisons des défaites systématiques de leurs équipes en Ligue des champions ou en Ligue Europa. Cela malgré les centaines de millions d’euros que déverse le Qatar au profit du Paris Saint-Germain (une générosité qui ne lui rapporte rien en terme d’image mais ceci est une autre histoire).

Ouvrons ici une parenthèse à l’adresse des wanetoutristes qui viennent de se délecter des lignes qui précèdent. Disons leur donc que le même constat vaut pour l’Algérie. On a beau dire, on a beau faire, notre pays est un nain footballistique sur le plan des résultats. Qu’ils soient internationaux ou même continentaux. Le bilan tient sur une ligne : une Coupe d’Afrique des Nations (à domicile en 1990). Certes, plusieurs de nos clubs ont remporté des trophées africains mais, pour reprendre un langage de technocrate, on dira que le football algérien est loin d’avoir réalisé son potentiel.

Ses responsables peuvent bien jouer les matamores et tenter de faire croire qu’une qualification en Coupe du monde équivaut à une victoire finale, les chiffres sont implacables. Les Verts ne seront de vrais géants africains (commençons par cela) que lorsqu’ils auront remporté une Coupe d’Afrique des nations à l’extérieur de nos frontières. C’est d’ailleurs une règle générale qui s’applique aussi à la Coupe du monde. Un « vrai » champion du monde est celui qui gagne le trophée hors de chez lui. Fin de la parenthèse.

Revenons donc aux bleus. Une victoire à domicile de l’équipe à Deschamps permettrait de recréer une dynamique et de redonner quelques couleurs à un palmarès qui reste maigre malgré le « un, deux et trois zéro » de 1998. Mais l’affaire ne sera pas simple. Depuis la création de l’Euro en 1960, seuls trois pays organisateurs ont pu s’imposer chez eux : l’Espagne (1964), l’Italie (1968) et la France (1984) pour qui ce fut alors le premier titre international. Diminuée par plusieurs blessures, l’équipe de France doit aussi assumer les choix de son sélectionneur de ne pas avoir fait appel à deux joueurs d’origine maghrébine : Karim Benzema et Hatem Ben Arfa.

Ces deux absences ont déclenché nombre de polémiques. Eric Cantona, figure iconoclaste du foot français, a estimé qu’il s’agissait là d’un choix « raciste ». Même son, en moins abrupt, chez le comédien Jamel Debbouze qui nous avait habitués à plus de prudence et qui, du coup, doit subir les foudres de l’ineffable Malek Boutih, désormais préposé au rôle de franco-maghrébin réac.

Enfin, et en attendant la suite de ce feuilleton, c’est Karim Benzema qui accuse le sélectionneur d’avoir cédé à une partie raciste de l’opinion publique. Avant d’aller plus loin, il convient de noter que, dès le départ, la sélection de Deschamps était exclusivement « Black-Blanc » et que si le franco-marocain Adil Rami a finalement été appelé, ce n’est qu’après la blessure de plusieurs joueurs (relevons d’ailleurs au passage que la présence de ce joueur n’a rien de rassurant pour la défense française…).

Alors, raciste Deschamps ? L’accusation ne tient pas la route.

L’homme est à la fois un gagneur, un pragmatique et un créateur d’esprit de groupe. Ne pas sélectionner un joueur, aussi doué soit-il, pour ne pas mettre en péril l’équilibre interne de l’équipe, fait partie de ses habitudes. Cela peut expliquer pourquoi Ben Arfa n’est pas présent à l’euro. Par contre, l’affaire Benzema est plus emblématique de l’air du temps et le principal concerné l’a bien compris en pointant du doigt l’influence de l’opinion publique.

Deschamps voulait absolument Benzema mais il a cédé. A qui ? D’abord, à la pression des politiques, le premier ministre, menton-toujours-haussé, Manuel Valls et quelques uns de ses ministres dont on ne cessera jamais de dire que leur exigence d’exemplarité (à propos de l’implication de Benzema dans la sordide affaire de « sex-tape » de Valbuena) est à géométrie variable (Platini, englué dans les scandales scabreux de la Fifa, garde encore toute leur « confiance »…).

Ensuite, il y a effectivement l’influence d’une partie de l’opinion publique qui se crispe dès lors qu’il s’agit de franco-maghrébins. Il ne faut pas nier cette réalité. Dans un contexte politique et social délétère, les amalgames sont nombreux et l’islamophobie, qu’elle soit assumée ou non, conditionne nombre de comportements. Les commentateurs beaufs et néoconservateurs, mais ô combien influents, notamment ceux qui sévissent sur RMC ou canalplus (vous savez, le fatso-falso), voulaient la tête de Benzema. Ils l’ont obtenue.

Demain, en cas de victoire finale de la France, ils pourront clamer que la page de 1998 et 2000 est définitivement tournée, et que le sport hexagonal, et donc la France, peuvent très bien se passer des Beurs qui ne fileraient pas droit. D’une manière ou d’une autre, le foot dit toujours ce qui traverse une société…

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