Le prisme et l’horizon/Paris : et après ?

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Il y a six jours a eu lieu à Paris une rencontre ministérielle qui a rassemblé 28 délégations autour de la relance du processus de paix entre Palestiniens et Israéliens. Parmi les pays représentés figuraient les membres permanents du Conseil de sécurité — Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni — ainsi que d’autres pays européens et des pays arabes, dont l’Egypte, qui semble bénéficier d’un statut particulier. Mais il y avait aussi les organisations internationales : Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, était de la partie, ainsi que Nabil Al-Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe, et Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne.

En l’absence des principaux intéressés, qui n’étaient pas invités, on comprend que ce rendez-vous n’ait pas attiré beaucoup l’attention. D’autant que les positions officielles en Israël ne se sont pas départies de leur scepticisme à l’égard de cette initiative française, insistant comme d’habitude sur l’importance du face-à-face des deux protagonistes du conflit pour tout règlement. D’autre part, le théâtre des guerres aujourd’hui n’est pas la Palestine et Israël, même si la violence n’y est pas absente : aux yeux de l’opinion internationale, c’est beaucoup plus la Syrie, l’Irak, le Yémen, les pays africains du Sahel... C’est dans ces contrées qu’on déplore chaque jour qui passe des morts et des blessés par dizaines.

C’est vrai enfin que les réunions ministérielles sont toujours relativement discrètes, laissant à des réunions ultérieures, plus «au sommet», le soin de recueillir les feux de la rampe. Celle de Paris, de ce point de vue, n’a pas fait exception. Elle s’est achevée par un communiqué sans saveur, où l’on apprend toutefois que les participants auront à poursuivre la réflexion sur des solutions possibles et à élargir les consultations. Une autre rencontre est prévue «avant la fin de l’année», peut-être en automne prochain. Mais, à celle-là, les deux protagonistes seront présents. Aucune information ne permet de penser que l’un ou l’autre envisage de faire défection. Ce qui, pour le coup, est une information capitale.

Bref, nous avons donc un rendez-vous de pris entre Palestiniens et Israéliens d’ici la fin de l’année et la communauté internationale sera partie prenante, non pas pour se substituer aux intéressés mais pour les accompagner dans leurs négociations et dégager des issues préalablement envisagées et explorées : est-ce un événement à ce point anodin qu’il doive passer presque inaperçu ? Et si le peu de bruit qu’il a suscité était inversement proportionnel à l’importance de ses enjeux ! Il y a des chances !

L’attitude dubitative est bien sûr de mise en cette affaire, où l’on a vu tellement de tentatives avortées. Mais elle ne permet pas de prendre à la légère ce que cette expérience a de nouveau et les moyens qu’elle se donne pour conjurer la loi des échecs. Il faut d’ailleurs préciser qu’à côté de la mobilisation de la communauté internationale, en amont, il y a la transformation du paysage géopolitique du voisinage des deux pays en conflit.

Nous savons tous que les processus de paix qui se sont succédé dans le passé ont autant buté sur l’incapacité des protagonistes à dégager entre eux un compromis que sur la tendance de certains voisins à fragiliser à l’avance tout accord qui pourrait voir le jour. Enfin, il faut aussi noter que l’initiative de paix de 2002, celle de la Ligue arabe, n’est pas rejetée par le gouvernement israélien, si l’on en croit des déclarations récentes de Netanyahu.

Un optimisme prudent et raisonné peut donc honorer en cette circonstance. Il ne dispense d’ailleurs pas de quelques questions. Celle-ci, par exemple : les religieux des deux camps vont-ils jouer le jeu ? Et, si oui, vont-ils faire face de façon convaincante aux accusations de trahison qui ne manqueront pas d’être proférées de la part d’éléments radicaux ? Cet acteur politique, l’extrémiste, est en grande partie neutralisé côté arabe, parce qu’il s’est engouffré dans l’aventure terroriste dans la foulée des insurrections du «Printemps arabe» et qu’il mène aujourd’hui une lutte désespérée de survie contre diverses coalitions liguées contre lui en Syrie, en Irak et en Libye.

Même s’il convient de souligner que certains de ses représentants n’ont pas franchi le pas du combat armé et qu’il faudra donc compter avec leur opposition : dans les mosquées de quartiers, dans les marchés, dans la rue... Mais que se passe-t-il côté israélien ? Côté juif, d’une façon plus générale, en intégrant les éléments les plus revêches de la diaspora aux Etats-Unis et ailleurs ? Qui sait ce que ces radicaux des deux bords — eux les ennemis les plus intimes et les plus mortels — peuvent manigancer ensemble en cet instant critique, pour que le moment de la paix soit à nouveau repoussé ?

Question grave, et qui n’est sans doute pas la seule que l’on puisse se poser. Mais elle n’empêchera certainement pas l’espoir de croire en sa chance, en prenant la pleine mesure de la faille qui s’ouvre pour un avenir autre.

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