L’État Profond: la Turquie et la Tunisie comme exemples

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Selon le Professeur Peter Dale Scott, l’État profond (deep state) est une forme de cercle de contacts de haut niveau, où le pouvoir politique est susceptible d'être dirigé par des gens très riches. C’est aussi un milieu confidentiel et restreint formant un gouvernement occulte. Les décideurs (supramonde) de l’État profond (EP, en abrégé) n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts, le résultat de leur influence, à travers le milieu de l’EP, s’appelle la «politique profonde ».

En fait, le premier Ministre turc (Rejeb Taieb Erdogan) considère que chaque État possède son propre EP ; c’est comme un virus : il réapparaît lorsque les conditions sont favorables. Dans un État stable et démocratique, l’EP est généralement non hiérarchisé. Cependant, dans certains pays tels que la Turquie, la Tunisie et l’Egypte, l’EP fait plutôt référence à une structure bien organisée ou « État dans l'État » (state within the state). A mon avis, plus l'État est démocratique plus l’effet de l’EP est réduit.

Une démocratie réelle consiste à neutraliser l’EP. L’une des émanations de l’EP en Turquie est le groupe "Ergenekon". C’est le nom d'un réseau turc composé de membres, tant civils que militaires. L’objectif de ce réseau serait de renverser le Premier ministre turc (Rejeb Taieb Erdogan). Il importe de signaler que le 5 Août 2013, la justice a rendu son verdict ; de lourdes peines ont été prononcées, dont 16 condamnations à la prison à vie.

La plus importante émanation de l'EP en Turquie est la tentative de coup d'État qui a eu lieu dans la nuit du 16 au 17 juillet 2016. C'est un exemple qui mérite d'être étudié; l'une des leçons qu'il faut retenir est que face à un EP il faut absolument former le "Peuple Profond"; je le définis comme étant l'ensemble de tous les vrais démocrates actifs luttant contre l'EP.

C'est très simple, à chaque fois que l'EP tente un putsch le Peuple Profond descend dans les rues pour protéger les institutions. Ce peuple doit être bien organisé et doit posséder des dirigeants compétents; il me semble qu'en Turquie, ce peuple a été encadré de façon très professionnelle. En Tunisie le rôle de l’EP est majeur, il est visible dans tous les domaines de la vie. On ne voit presque pas d’État classique (EC, en abrégé). C’est comme si l’EP a avalé l’EC. En conséquence, un éclatement est certain ; c’est ce qui s’est passé depuis le 17 Décembre 2010 ; date du déclenchement d’une révolution (qui n'a rien à voir avec le Jasmin). Il me semble que l’EP en Tunisie a été implanté par la colonisation française avant même que la Tunisie ne devienne "une république".

Tout a été fait pour éliminer le vrai « leader» politique et syndicaliste Farhat Hached pour que Bourguiba (premier président de la Tunisie) émerge comme l’unique dirigeant de la Tunisie. L’EP a été, aussi, à l’origine de l’assassinat du dirigeant patriote Salah Ben Youssef et a réussi à conserver Bourguiba comme Président de la république jusqu’à 1987, date à laquelle le supramonde a décidé de remplacer Bourguiba par Ben Ali.

Ce n’était certainement pas le coup d’État de Ben Ali, c’était un simple changement du chef de « l’État classique ». Le changement du chef dépend des crises ; l’EP a estimé que les événements déclenchés le 17 Décembre 2010 peuvent aboutir à une vraie révolution dévastatrice qui menace l’existence de l’EP. De nouveau, c’est le moment du changement ; Ben Ali doit partir ; c’est le coup d’État de l’EP le 14 Janvier 2011.

La réalisation de ce changement ne peut en aucun cas être analogue à celle de 1987. Foued Mbazaa est devenu président (formel) de la république par intérim le 15 Janvier 2011 sur décision du Conseil constitutionnel. Les deux gouvernements de Mohamed Ghannouchi de 2011 (le premier a été formée le 17 Janvier 2011 et le deuxième est un remaniement du premier gouvernement le 27 Janvier 2011) ont été proposés par l’EP. Les deux gouvernements ont provoqué les mouvements (Kasba 1 et Kasba 2). La «politique profonde » continue à fonctionner avec performance ; le supramonde a accepté les demandes du sit-in kasba 2 : élection d’une Assemblé Nationale Constituante (ANC). Mais, en contrepartie, l’EP a désigné un nouveau gouvernement transitoire (celui de Essebsi ) le 27 Février 2011.

C'est un tournant décisif de la révolution tunisienne ; il peut être considéré comme le début de son enterrement. Le supramonde en Tunisie a repris son souffle pendant les 10 mois du gouvernement Essebsi: restructuration du ministère de l’intérieure (création de services parallèles liés directement au supramonde, implantation d’appareils d’écoutes dans tous les ministères, liquidation des documents inhérents aux affaires de corruption, ….).

Je pense que l’EP en Tunisie est actuellement plus fort que jamais ; le résultat des élections du 23 Octobre 2011 ne l’a pas affaibli. Tout au contraire, les deux gouvernements transitoires de Hamadi Jebali et Ali Laraiedh paraissent dans un état paradoxal : c’est comme si le gouvernement était en état d’opposition et que l’opposition gouvernait. Ce paradoxe est naturel puisque l’opposition tunisienne est, en grande partie, manipulée ou construite par l’EP. Il est bien clair que l’EP a réussi à rassembler les ennemis stratégiques des islamistes et les destouriens de l’ancien régime. L’État profond se défend (et se défendra) par tous les moyens (argent, média, armes, services d’intelligence, assassinats politiques, …).

Les tentatives de coup d’État de l’EP se multiplient (notamment après les deux assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi). Ces assassinats sont d’une complexité terrible laissant croire que leur origine est commune ; c’est certainement l’EP. La question que je me pose est la suivante : Existe-il un groupe Tunisien du type Ergenekon?

Personnellement, j’y crois, ce groupe (GTERG) bien qu’il soit virtuel, a pu faire preuve de force surtout après l’assassinat de Brahmi et le sit-in « Errahil » (ou plus précisément « rouz bilfakia »). Le groupe a organisé ledit « Dialogue National » qui a abouti à la formation du gouvernement « technocrate » de Mehdi Jomaa. Ce n’est pas la fin du rôle du (GTERG), leurs tentatives de confisquer, de nouveau, l’État classique se multiplient à travers un putsch camouflé comme celui de l’Egypte.

Leur stratégie est de réussir à impliquer l’armé nationale. Ce qui explique, en grande partie, les opérations terroristes à « chaambi » ; c’est le terrorisme du (GTERG). En Tunisie, un autre éclatement est certain; il ne tardera pas. Il faut, tout d'abord, que certains dirigeants révolutionnaires commencent à former le "Front du Peuple Profond". Ce sera donc une vraie révolution qui écrasera l’EP et qui aboutira à un changement radical tant sur le plan politique que social; c'est notre vraie fête d'indépendance.

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