Les Jeux olympiques sont terminés et, faut-il s’en étonner, l’Algérie pointe au soixante-deuxième rang avec deux médailles d’argent (c’est aussi bien que l’Irlande fanfaronnent les wanetoutristes…). Cette moisson est à peine meilleure que celle de 1984, année où les JO de Los Angeles avaient permis à la boxe algérienne de remporter deux médailles de bronze grâce à Moussa et à Zaoui.
Près de trente ans plus tard, et un cumul de 17 médailles (dont cinq en or), on pourrait parler de stagnation du sport algérien mais c’est plutôt de régression qu’il s’agit. En effet, les années 1980 ont vu aboutir les fruits des efforts politiques et organisationnels consentis durant la décennie précédente notamment en matière de détection des jeunes talents. Même si elle masquait à peine la désorganisation rampante du sport algérien, l’émergence de championnes, et médaillées d’or, comme Hassiba Boulmerka (1992) et Nouria Benida Merrah (2000) sans oublier le grand (ténésien) Noureddine Morcelli (champion olympique en 1996) est l’aboutissement d’une vraie vision en matière de politique sportive.
La déroute de Rio, on pourrait même dire la « tbahdilla » (la perte de face), nous dit ce qu’est l’Algérie d’aujourd’hui. Après cinquante ans d’indépendance, l’incapacité de ses dirigeants à doter ce pays de structures sportives pérennes est patente. On se gargarise des milliers de kilomètres d’autoroute réalisés au cours de ces dix dernières années mais combien de piscines ont-elles été construites depuis 1962 ? Combien de salles de sport ? Combien de club d’athlétisme ont-ils vu le jour ? Le lieu commun concernant notre pays est de dire et de répéter que sa population est jeune. Certes, mais ce qu’il y a de dramatique dans l’affaire c’est qu’elle est privée de la possibilité de faire du sport.
Cela ne date pas d’hier mais les choses se sont aggravées. Un gamin doué pour l’athlétisme ou pour le judo ne pourra compter que sur lui-même et quelques bénévoles. L’Etat et ses représentants accros aux frais de mission comme nous venons de le constater durant les JO de Rio, demeurent quant à eux aux abonnés absents.
Et l’on sent pointer la même dérive que pour le football. On connaît le raisonnement. A quoi bon former des athlètes locaux puisqu’il est possible d’aller les chercher ailleurs… Bien sûr, on ne va pas faire comme les pays du Golfe qui « achètent » des athlètes étrangers à l’image de cette équipe de hand-ball du Qatar qui n’est rien d’autre qu’un ramassis de mercenaires que le Comité olympique international, gazodollars ou pas, devrait interdire de compétition. Non, comme pour le ballon rond, on compte de plus en plus sur les talents d’origine algérienne qui vivent en Europe et principalement en France. Le syndrome de l’import-import touche donc aussi le sport. A quoi bon des réformes, à quoi bon des politiques ambitieuses pour donner des perspectives à la jeunesse puisqu’il est possible de faire appel à des sportifs formés ailleurs ?
On devine les arguments : c’est plus simple, ça ne demande pas beaucoup d’organisation et ça peut même rapporter des sous si l’on s’entend bien avec les agents des concernés… Ainsi, le terme prospection prend une signification différente. Avant, il s’agissait de détecter des talents aux quatre coins de l’Algérie en organisant des compétitions ouvertes à tous (c’est-à-dire sans piston). Aujourd’hui, cela signifie piocher dans les effectifs des fédérations françaises et convaincre de jeunes binationaux de ne pas revêtir le maillot bleu et de lui préférer le vert.
Parions que cette prospection d’import-import va cibler un certain nombre de sports où les binationaux sont très nombreux. L’un d’entre eux est la boxe. Les médailles d’or obtenue par les compétiteurs français à Rio confirment une tendance dont on parle peu dans les médias hexagonaux : la boxe attire de plus en plus de jeunes, filles comprises. Dans le contexte politique et social que l’on sait, enfiler les gants pour affronter un sac ou un sparring-partner offre des bienfaits évidents (et forme aussi les concernées à l’auto-défense). De son côté, la boxe algérienne a toujours été talentueuse (c’est elle qui, rappelons-le, a obtenu les premières médailles olympiques en 1984). Pour qui suit ce sport, et le présent chroniqueur en fait partie, il fut un temps où nos boxeurs relevaient le gant face aux meilleurs d’entre tous – et les plus élégants aussi – autrement dit les Cubains.
Mais ce sport n’a jamais bénéficié de la même considération que le football ou d’autres sports de balle. Les salles – un investissement pourtant modeste – restent peu nombreuses et les techniciens ont du mal à obtenir le soutien financier nécessaire pour se former à l’étranger. On peut avoir une pensée pour le défunt Hocine Soltani (médaille d’or en 1996) mais cela fait longtemps que la jeunesse algérienne, avec son énergie, sa fougue et sa colère, aurait dû donner à la boxe l’équivalent d’un Teófilo Stevenson (peut-être le plus grand boxeur de toute l’histoire. Médaillé d’or en 1972, 1976 et 1980, il a toujours refusé de passer pro au grand dam de ceux qui rêvaient de le voir affronter le grand Ali) ou d’un Felix Savon (médaille d’or en 1992, 1996 et 2000).
Comme pour l’athlétisme (notamment en demi-fond) ou le judo, le terreau existe pour que la boxe algérienne soit à la hauteur de son potentiel. Il faut juste une politique ambitieuse, des efforts constants et un refus de cette facilité qui consiste à aller faire son marché ailleurs.