Le vrai rêve américain

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Minot, j'étais mauvais élève. Toujours au fond de la classe. La bonne planque. Pour ce que la religion avait à me raconter : Jésus, son cloutage à la cloueuse électrique, Judas, Ponce Pilate. Puis, j’ai été « mauvais garçon ». Puis, « mauvais citoyen ». Puis, « mauvais » tout court. N'est-ce pas dans cet ordre que la société identifie et traque les futurs coupables ?... Les désigne à la vindicte « populaire » ?... Piège mental d’une logique infernale.

Quoi que j’entreprenne, peu importe la nature de mes engagements, j’ai toujours pris soin de garder un arpion hors des clous. Je sautillais sur la marge, pendant que les autres filaient en rang d'oignon pour avoir la « moyenne ». Cette foutue moyenne avec laquelle l’école fait de si bons petits soldats.

C'était à la « belle » époque des trente glorieuses et du « rêve américain ». Un vrai virus, ce putain de rêve ! Ça vous contaminait l’organisme pour le reste des jours. Un fléau. Pire qu’Ebola ou Zica, dont l’éradication par pulvérisation d’insecticide entraîne la mort de millions d’abeilles !

Tout cela faisait durement cogiter le « petit bougnoule » que j'étais, avant que des sales types ne claironnent que « malgré un bon fond » j'étais de la mauvaise graine, bon pour la potence. Pourquoi qu'ils disaient ça ? Aussitôt je me suis renseigné et appris ce que c'était qu'une potence et le gibier qui va avec. Dans les films américains qu'on diffusait dans le cinéma du quartier, L'homme aux colts d'or, Ben-Hur, Les dix commandements, Barabbas, le mauvais frère de Jésus, disait-on, et j’en passe, il y avait du gibier et de la potence ! Pourquoi chercher à faire de moi l’alter ego de ces lascars ?...

Pourtant je vous garantis que je rêvais d’Amérique comme personne. Je rêvais à sa grandeur, aux étoiles sur le drapeau, aussi grosses et nombreuses que dans le ciel d’Afrique. Pour vous dire jusqu’à quel point nous rêvions, les copines du quartier ne manquaient jamais d’entourer leur joli cou de biche de foulards floqués aux couleurs du drapeau américain par 40° degrés à l'ombre ! Je me souviens de John Wayne, de Gary Cooper, de Burt Lancaster, d’Errol Flyn. Quel pirate çuilà ! De Marilyn et de bien d'autres canons de beauté sur lesquels je jetais des lorgneries à mettre le feu à l'écran, à la ville, mais surtout à la braguette. La Marilyn et son poupidou ! Rien que pour zieuter son balconnet, ou celui de la Sofia Loren, j'aurais sulfaté les potes de la cité ! Et même ceux de la cité voisine… Et même le gouvernement !

Rien à faire, je n'avais pas d'autre droit que celui de porter l’étiquette collée au front, de subir sans gémir, le regard suspicieux, le mépris, les coups de pied au cul !...

Y en a qui naissent bon et y en a qui naissent mauvais, disaient-on et martèle-t-on encore et toujours. J'étais un « vrai mauvais » !

Je n’ignore plus à quoi ressemble le « rêve américain », les indiens d’Amérique – ce qui en reste – en connaissent un rayon !

Pareil que partout où ce « rêve » est venu fragmenter, rompre et avilir des humains, dévastant les cultures, faisant de la vie un enfer et de la poésie un cauchemar. Ce que nos politiques font en Hexagonie : brader l’histoire pour en faire de la breloque !

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