L’écart entre les comptes rendus, des séances d’audition, des journalistes étrangers et ceux fait par certains journaleux du sérail est sidérant. Alors que les échos qui nous parviennent des plus grands journaux de France et d’ailleurs sont plus que pathétiques, nos journalopes font preuve d’une lâcheté et d’une servitude scandaleuses.
A part la focalisation sur la présidente de cette instance et de sa robe, il y a une méfiance maladive du processus de la justice transitionnelle et une volonté irrépressible de rabaisser cette démarche. C’est qu’elle remue la conscience.
Une question qui revient souvent dans les commentaires est que ces victimes ont voulu renverser le pouvoir en place pour mettre leur propre modèle de société et donc méritaient ce sort. Bien sûr en avançant cet argument ils pensent clairement aux islamistes…Or les exactions et tortures ont touché les militants de tous bords, des islamistes, des militants de gauche, des nationalistes et même des syndicalistes.
Les victimes ont, presque, accepté les règles du jeu qui se résument à : emprisonner tout opposant. Ils savaient qu’ils allaient s’exposer à des jugements iniques et arbitraires. Mais, le zèle dont ont fait preuve les petits et grands responsables et les agents pour aller, sadiquement, bestialement, au-delà de la peine décidée, ne peut être accepté.
Sami Brahem a accepté sa condamnation à huit ans de prison pour ses idées. Mais il n’arrive pas à comprendre pourquoi on a continué à s’acharner sur lui, sur sa dignité, sa situation d’Homme alors qu’il était désarmé et esseulé dans leurs prisons.
Qu’est ce qui peut motiver un gardien, un directeur de prison ou tout autre agent à le torturer si cruellement et à continuer à le faire jusqu’à l’évanouissement ? Pourquoi on voulait le castrer au propre comme au figuré ?
Il a fait la tournée des prisons tunisiennes et a constaté que l’horreur est générale et méthodique.
Les tunisiens aimeraient comprendre pourquoi un étudiant gauchiste, arrêté dans une manifestation estudiantine peut-il- être sodomisé par ses tortionnaires dans les sous-sols du ministère de l’intérieur?
Comment, pour faire avouer quelqu’un, on menace de violer sa fille ou sa sœur déjà nue devant lui ?
Certaines victimes se sont abstenues de témoigner en public tellement l’horreur et l’humiliation sont immenses.
Pourquoi les responsables et l’élite se sont tus alors que les témoignages sont vérifiés, consignés et publiés par les instances internationales ? On a tous été scandalisés et horrifiés de ce qui se passait à Abou Ghrib alors que l’horreur était à nos portes et entre nos murs.
Il importe peu de savoir si la victime est islamiste, communiste ou yousséfiste. La raison de sa condamnation et sa justesse deviennent même secondaires. L’important est de savoir comment la torture et la violation des droits élémentaires de l’homme ont été érigées en système pour mettre une chape de plomb sur tout un peuple et asseoir une dictature.
C’est ce système qu’il faut dévoiler puis démonter pour qu’il ne puisse jamais se reproduire. Cette catharsis est nécessaire. On ne peut l’occulter, elle n’est pas faite pour culpabiliser certains, ou monter d’autres. C’est un prélude pour un apaisement général et durable.
L’attitude de certaines personnes est carrément honteuse. Ceux qui considèrent que ces récits relèvent du théâtre sont tout simplement monstrueux. Qu’ils continuent à regarder ailleurs comme ils l’ont toujours fait.
P.S : Si on parle des périodes de Bourguiba et de Ben Ali beaucoup plus que d’autres époques, c’est que simplement sur les 58 ans concernés, ils ont gouverné pendant 56 ans…