Questionnements démocratiques

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Voilà déjà des mois que l’on nous bassine avec les prochaines élections présidentielles, comme s’il s’agissait là de l’alpha et de l’oméga de la vie démocratique contemporaine. Et il y a fort à parier que ce matraquage ne va aller qu’en s’amplifiant à mesure que l’on s’achemine vers l’échéance, à croire que plus rien ne se passe, que plus rien ne compte et qu’il n’y a rien de plus important au monde que de glisser un bout de papier dans la fente.

Quand tu fais remarquer que la démocratie électorale se résume de plus en plus à choisir entre la peste et le choléra, que de qualifier de représentatives des assemblées où ne siègent plus que des bourgeois de centre-ville complètement déconnectés de la vie réelle des millions de gens qu’ils sont censés incarner, c’est une imposture, dans le meilleur des cas tu te fais traiter de populiste (l’insulte qui revient à la mode à chaque élection).

Au final, il n’y a pas grand monde pour remettre en question l’immonde cirque électoral où nous devrions faire mine de nous passionner pour les ambitions personnelles et les conflits de pouvoir d’une bande de types qui filent des leçons de rigueur tout en tentant de planquer leurs patrimoines sous le tapis.

Le vote comme faux nez

L’autre jour, j’écoutais d’une oreille distraite un docte journaliste relater un scrutin étranger en des termes peu amènes. En gros, le type était un dictateur qui avait organisé des élections pour passer pour un démocrate. Certes, il y avait d’autres candidats (des figurants, selon le journaliste) et les observateurs n’avaient relevé aucune tricherie (on sentait la déception du commentateur), mais bon, de toute manière, dans ce pays (forcément quelque part en Afrique), tout cela ne pouvait être que mascarade et poudre aux yeux.

Ben alors, je me suis dit, à quoi tu reconnais une démocratie, si le vote n’en est même pas une condition suffisante bien que nécessaire ? Ou plutôt, comment tu sais que notre système à nous, avec le vote tout pourri où on doit toujours choisir entre des gus toujours sortis du même sérail pour obtenir toujours la même politique TINA au final, comment tu sais que notre système à nous, c’est quand même une démocratie et pas une démocratie Canada Dry comme chez nos amis du sud ?

Ou plutôt, je me suis demandé juste après, comment tu comprends que, malgré tout l’apparat démocratique et la novlangue qui va avec, tu n’es pas en démocratie ?

Je crois que le meilleur exemple, c’est le monde du travail, cette grande féodalité saupoudrée au gré des circonstances d’un très léger voile de démocratie qui ne sert à rien.

Parce qu’on a beau pouvoir y voter pour des représentants du personnel, des comités d’entreprise, y avoir des droits d’affichage et une très relative liberté d’expression, au final, ce qui compte c’est ton absolue incapacité à y échapper à l’arbitraire imposé par la hiérarchie. Et ce ne sont pas les grands coups de sabre que la Loi Travaille (en ferme ta gueule!)! A collé dans les prétendus droits des salariés qui risquent de rééquilibrer la donne. En gros, ce qui caractérise l’absolu manque de démocratie de l’entreprise, c’est que l’arbitraire, l’injuste, la courtisanerie, la brutalité et la connerie la plus sordide y règnent en maitre! Bien sûr, il parait qu’il existe des recours… mais on souhaite bien du bonheur à ceux ou celles qui prétendraient utiliser cette voie pour redresser les torts.
Car ce qui caractérise un droit, ce n’est pas tant qu’il existe sur le papier que ce que l’on puisse y accéder sans devoir y laisser tout son temps, son argent ou sa santé.

Or, à l’heure où non content de détricoter le droit des salariés, on entrave aussi l’action de ceux qui doivent les protéger, la virtualisation des droits se traduit sur le terrain par l’impunité et donc l’extension du domaine de la triche, de la persécution et du profit sans vergogne. En gros, on se retrouve avec une démocratie de façade qui a pour vocation de masquer la réelle radicalisation de la guerre des classes sur tous les fronts.

Des contrepouvoirs

Non, ce qui fait la réalité concrète de la démocratie, ce n’est pas sa mise en scène complaisante dans des scrutins dont l’issue n’aura aucune incidence sur la gouvernance en place, pas plus que la théâtralisation des gadgets participatifs qui font accroire qu’être un million de cybermilitants à signer une pétition aura le moindre effet sur la bonne marche des affaires entre potes, non, ce qui fait la démocratie, c’est l’équilibre des pouvoirs et la négociation réelle et permanente qu’il exige des différentes forces en présence.

À tout moment, chaque acteur agissant dans notre société doit pouvoir être remis en question, non seulement par ses pairs, mais aussi par ceux qui lui fournissent ses moyens ou subissent ses décisions. C’est pour cela que toute structure démocratique dépend fondamentalement de la séparation des pouvoirs et des capacités d’action concrètes de tous les contrepouvoirs qui doivent en permanence interroger les équilibres en présence.

Mise sous tutelle de la Cour de cassation par Valls

Et quand on demande aux magistrats, s’ils soupçonnent une erreur administrative ou une volonté politique de reprendre la main, ils sont explicites. A la Cour de cassation, on note que depuis le début de l’état d’urgence en novembre 2015, le pouvoir exécutif n’a eu de cesse de grignoter ce fondement de l’état de droit qu’est l’indépendance de la justice. La décision de confier le contrôle de l’état d’urgence au Conseil d’État et non à la Cour de cassation a déjà créé beaucoup de remous.

Source : Dossier seenthis : La Cour de cassation placée « sous le contrôle direct du gouvernement » ?

Ainsi donc rien n’est plus important que de voter dans un pays où l’on n’a plus réellement le droit d’interroger la pertinence d’un état d’urgence qui grignote de plus en plus l’équilibre des pouvoirs et les droits des citoyens, en particulier de ceux qui sont dubitatifs, contestataires voire carrément des opposants.

De la liberté d’information

Certains vous diront que les piliers de la démocratie — ceux qui rendent le vote puissant, légitime et effectif — ce sont la liberté d’expression et la liberté de la presse.

J’ai déjà parlé de tout le bien que je pense qu’une liberté d’expression à géométrie variable. Tout comme on peut s’interroger sur la qualité de contrepouvoir de médias détenus dans leur très grande majorité par un tout petit groupe de personnes (physiques ou morales) aux intérêts bien particuliers et bien homogènes pour le coup.

Mais que dire alors d’une démocratie où l’attaque en diffamation est devenue l’arme favorite des riches et des puissants pour bâillonner les derniers bastions de la liberté d’investiguer, d’écrire et de penser que sont les médias indépendants ?

« Selon moi, l’objectif du groupe est d’intimider quiconque parle de ce que fait Bolloré en Afrique et en Asie », explique le journaliste et rédacteur en chef Yvan du Roy. Et ça marche, puisque « les rédactions avec les chefs les plus frileux n’en parlent pas, parce que tout le monde sait ce qui les attend… ». De l’argent (10 000 euros pour Bastamag sur un budget total de 350 000), et du temps. En plus d’une pression lorsque les médias (nombreux) appartiennent en partie à Bolloré (dont Bastamag ne fait bien sûr pas partie…)

Source : LaTeleLibre.frAccaparement des Terres : Bolloré nie Toujours – LaTeleLibre.fr

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