Homme d'apparence discrète et sans histoire, un peu frustré, un peu torve. Sous ses sourcils broussailleux, François Fillon vit selon la règle du monsieur qui a tout son temps. Un homme sans pression est un homme heureux, pouvant à l'occasion se révéler redoutable adversaire, à plus forte raison quand on compte sur l’appui sans faille de la toute puissante oligarchie, qui, d’élection en élection s’amuse à redistribuer les cartes sans changer les règles.
Du temps où il vivait à l'ombre du très exaspérant Lider Mínimo, un peu à la façon du coucou, cet oiseau qui parasite le nid des autres en y pondant ses œufs, l’alors Premier ministre de la Sarkozie avait su mettre à profit le fameux proverbe : « rira bien qui rira le dernier », ruminant en silence.
Il lui a fallu de la constance à Fillon (Fillon 1, Fillon 2, Fillon 3) pour supporter l’humiliation permanente dont il faisait l’objet : de planqué à lâche, il a eu droit, comme on dit chez les coloristes, à toutes les nuances du cercle chromatique de la part du Chef pendant le quinquennat. Sans broncher, l'homme a encaissé. Comme on dit chez Rocky Balboa, la force d'un boxeur réside dans sa capacité à encaisser. Et pour encaisser, l'amateur de courses automobiles, s'est pris des platanes dans la caisse sans brancher ! Même la Dati, pourtant une dure à cuire, tremblait sous les résilles devant les éructations du frénétique !
Malgré cela, François a continué à œuvrer pour son Maître comme un employé modèle, sans jamais quitter la piste, ni rechigner à la tâche, tout en songeant avec violence à son avenir de champion…
Depuis – plus précisément depuis qu’il a empoché la primaire de la droite, envoyant dans les cordes Sarko-le-dompteur – l’homme aux socquettes rouges, amateur de courses automobiles a pris le melon en emportant la revanche par KO.
Candidat-domestique de l’oligarchie, le pauvre lui donne des boutons. Pour en nourrir la haine, il n’hésitera pas à lui ôter le peu qu’il a, à se le représenter tel qu’il le voudrait réellement pour mieux l'enfoncer : plouc, teigneux, grossier, sans éducation. Des créatures ne méritant pas le pain qu’elles portent à la bouche. Ni pas davantage le bénéfice de la Sécurité Sociale, que l’homme aux socquettes rouges se propose de privatiser si d’aventure il est élu. Pas pour son plaisir seulement, mais pour celui de ses Maîtres.
Pour cela, aucun scrupule : vous êtes Front Nat, pas grave, vos voix sont les bienvenues de ce côté-ci des rives obscures. «L'insécurité est un combat permanent », martèle-t-il, faisant écho à Manu Valls, ce révolté, parlant de la gauche pour mieux la dévorer. Le clou de son discours d’alors étant ce passage que je relève comme une perle sortie d'on ne sait quelle huitre précieuse : « A tous ceux que la violence inquiète, à tous ceux qui veulent faire reculer la peur, je leur demande de nous juger sur nos actes et de ne pas se disperser dans leurs votes ». Cela fut fait en 2012, mais cela ne l’empêche pas de revenir, plus fringant que jamais.
A qui pensait François Fillon en 2010, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale, citant feu Charles Péguy, grand écrivain calotin, tiré du sépulcre comme on présente un alibi au juge : « le triomphe de la démagogie est passager mais les ruines sont éternelles » ? A la Sécurité Sociale, dont ses récentes déclarations font un tollé ; aux bénéficiaires du RSA, ces parasites qui gangrènent l’économie ; à ces millions de tricheurs qui mettent la France sur les rotules ; ou songeait-il tout naturellement à faire plaisir à ce groupuscule de patrons du CAC 40 qui n’hésitent pas à mettre les mains à la poche pour lui faire gagner la course ?...