Dans deux semaines, lors de « l’Inauguration day » à Washington, Donald Trump prononcera après sa prestation de serment, son « adresse à la nation ». C’est un moment formel, symbolique, mais aussi très important parce que le quarante-cinquième président américain est attendu sur de nombreux dossiers. Bien sûr, les propos tenus lors de ce rendez-vous sont souvent consensuels et destinés à faire oublier les turbulences et les affrontements de la campagne électorale. Mais, à ne pas en douter, il y a aura tout de même quelques indications sur les premières mesures diplomatiques qui seront prises par la nouvelle administration.
Dans le monde arabe, Trump est attendu sur trois dossiers majeurs. Le premier concerne la question palestinienne. On le sait, le locataire de la Maison-Blanche a nommé un proche du Likoud comme ambassadeur et annoncé surtout qu’il transfèrera l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem.
Rappelons que cela fait déjà plus de dix ans que le Congrès a voté (à une très grande majorité) un tel transfert. Comme l’ont fait ses prédécesseurs Clinton et Bush, et comme il le fait depuis 2009, Barack Obama a néanmoins signé le document qui, au nom de la « protection de l’intérêt national américain », empêche ce déplacement pour les six mois à venir. Cela renvoie l’éventuel changement d’emplacement de l’ambassade à juin prochain. A ce moment-là, Donald Trump pourra donc décider de ne pas s’opposer à ce transfert. Quelle sera alors la réaction des Palestiniens et du reste du monde arabe ?
Pour les premiers, toutes les hypothèses sont permises à commencer par une nouvelle intifada. Démunie, affaiblie sur le plan politique, l’Autorité palestinienne a quant à elle, faute d’arguments et de leviers d’influence, laissé planer la menace d’une rupture de ses relations avec Israël et la remise en cause même de la reconnaissance de l’Etat hébreu.
Dans un contexte où les Israéliens se préparent à faire passer une nouvelle loi sur la colonisation – ce qui en dit long sur l’impact de la récente résolution des Nations Unies sur les intentions du gouvernement Netanyahou -, cette question de l’ambassade américaine en Israël est susceptible de provoquer une grave crise entre Israéliens et Palestiniens. Quant au monde arabe, il ne faut rien en attendre. Une réunion de la Ligue arabe sera décidée mais, et les Palestiniens le savent bien, aucune action d’envergure ne sera entreprise d’autant que certains membres de la Ligue sont aujourd’hui les alliés objectifs d’Israël.
En effet, et c’est l’un des autres points sur lequel Trump est attendu, les monarchies du Golfe, puisque c’est d’elles qu’il s’agit, ne cachent pas leur désarroi quant aux intentions du président américain. Certes, ce dernier a laissé entendre qu’il était partisan d’une ligne dure à l’encontre de l’Iran. Une position qui ravit les dirigeants israéliens et qui aurait pu rassurer l’Arabie saoudite et ses partenaires du Conseil de coopération du Golfe (GCC). Mais, dans le même temps, plusieurs articles de presse publiés aux Etats-Unis laissent entendre que Trump accorderait une oreille attentive aux recommandations de nombreux lobbies, dont celui du pétrole, qui ne veulent absolument pas être exclus du marché iranien.
A Riad on s’inquiète ainsi du fait que le président élu a déclaré à plusieurs reprises vouloir « renégocier » l’accord conclu avec Téhéran sur la question du nucléaire. Pour les monarchies du Golfe, ce n’est pas de renégociation dont il devrait être question mais de remise en cause voire d’annulation pure et simple. Et leur inquiétude est d’autant plus grande que, par ailleurs, Trump a déclaré à plusieurs reprises que l’Amérique ne payera pas indéfiniment pour leur sécurité. On voit mal les Etats Unis retirer leurs troupes de la région mais on peut s’attendre à ce qu’ils exigent plus de contreparties…
Pour ce qui concerne le troisième point, les relations entre Washington et Téhéran vont aussi avoir leur impact sur le dossier syrien tout en étant conditionnées par la volonté de Trump de trouver un terrain d’entente avec la Russie de Vladimir Poutine. L’équation est pour le moins compliquée. Sur la Syrie, on sent bien que la nouvelle administration américaine sera tentée de laisser définitivement le champ libre à la Russie et donc à Assad. Mais l’Iran reste un sujet possible de tensions entre Moscou et Washington. Souvenons-nous que la réémergence de la Russie dans le domaine des relations internationales a été permise, entre autre, par la question des négociations sur le nucléaire iranien. Autrement dit, on voit mal comment Trump pourra à la fois contenter Israël sur l’Iran et garder de bonnes relations avec Moscou.
Il sera aussi intéressant de voir comment Trump va réagir face aux pressions des néoconservateurs qui le poussent à reprendre pied au Proche-Orient, notamment en Syrie. Comment va-t-il aussi mener la lutte contre l’Organisation de l’Etat islamique (OEI) ? Sur ce dossier, ses déclarations d’intention sont peu claires et contradictoires. Va-t-il inciter Moscou à intervenir en Irak, notamment dans la bataille de Mossoul ? Va-t-il exiger des pays de la région, notamment les monarchies du Golfe et la Turquie, qu’elles s’investissent plus dans la guerre contre l’OEI ? Toutes ces questions restent posées. En attendant les réponses, il ne faut pas oublier les conséquences possibles de « l’inattendu ». En effet, le début d’une présidence américaine voit souvent arriver des événements imprévisibles, du moins a priori, et dont les conséquences façonnent le mandat à venir. Avec un homme aussi imprévisible que Trump à la Maison Blanche, cela ne rassure guère…
PS : Trump ou pas, que cela ne nous empêche pas de souhaiter une bonne et heureuse année 2017 aux lecteurs de cette chronique.