Le secrétaire général des Nations unies s’est rendu mardi dernier à Mogadiscio, capitale de la Somalie, d’où il a lancé un appel à la communauté internationale afin de mobiliser une aide d’urgence en faveur de la population menacée de famine. Le 28 février dernier, le nouveau président somalien, Mohamed Abdullahi Mohamed, avait déclaré le pays en «catastrophe nationale» en raison de la sécheresse qui sévit depuis trois ans. L’Organisation mondiale de la santé estime que la moitié de la population a besoin d’aide, soit 6,2 millions d’habitants…
Tout le monde a en mémoire le drame de l’année 2011, avec ses 260.000 morts : l’humanité est-elle prête à accepter à nouveau le scandale de populations largement et lentement décimées par le manque de nourriture pendant qu’ailleurs, dans beaucoup de pays riches, prisonniers de leur opulence, c’est l’excès, c’est la suralimentation qui pose un problème de santé publique ?
Le cas de la Somalie est significatif parce qu’il montre comment des pays longtemps livrés à la violence deviennent particulièrement vulnérables aux aléas du climat. Il faut d’ailleurs souligner à ce propos que la Somalie n’est pas le seul pays de la Corne de l’Afrique à subir les conséquences désastreuses de la sécheresse : l’Ethiopie et le Kenya sont également très touchés. Mais le niveau d’alerte humanitaire est de loin moindre en ce qui les concerne.
En revanche, la situation au Soudan du Sud est très comparable, en raison de la guerre civile qui domine. Les agences onusiennes — Programme alimentaire mondial, FAO et Unicef — parlent d’un pic prévu de 5,5 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire au Soudan du Sud.
La même remarque peut être faite au sujet d’un pays situé de l’autre côté de la mer Rouge et dont l’économie est complètement détruite par la guerre : le Yémen. Si les conditions climatiques ne sont pas favorables, sans doute parce que le Yémen se situe dans la même zone géographique que les pays de la Corne de l’Afrique, la violence a considérablement aggravé la situation.
On y observe en outre un phénomène déjà constaté en Somalie: l’impossibilité pour l’aide alimentaire de parvenir dans les régions les plus touchées en raison de l’insécurité qui règne sur les voies d’accès. La crainte que l’aide profite à l’ennemi est souvent une raison suffisante pour les belligérants qui en bloquent le passage. Dans le cas du Yémen, les ports maritimes ont été eux-mêmes rendus impraticables pour l’aide internationale.
Résultat : les populations paysannes qui n’ont pu avoir de récolte ne peuvent pas non plus être assistées, et celle des villes sont aussi condamnées à la pénurie. Elles sont toutes prises en otage par le conflit.
Mais la famine concerne aussi, et de façon encore plus aiguë, les populations déplacées en raison de la guerre. Plus à l’ouest dans le continent africain, un autre drame se joue dont le théâtre sont les abords du Lac Tchad. Ici, ce sont les populations qui ont fui la violence du groupe terroriste Boko Haram qui sont livrées à la faim.
Le 23 février dernier a été organisée à Oslo une conférence de donateurs pour tenter de mobiliser une aide au profit de ces populations réfugiées à Borno, dans le nord-est du Nigeria, mais qui viennent de plusieurs pays : le Nigeria, mais aussi le Cameroun, le Tchad et le Niger. Les Nations unies réclamaient 1,4 milliard d’euros : elles ont récolté le tiers, soit 457 millions d’euros. L’importance de l’aide demandée donne une idée de l’ampleur des besoins et de l’extrême gravité de la situation vécue par ces populations qui sont nos voisins d’outre Sahara…
Oui, nos voisins, il ne faudrait quand même pas l’oublier. Et il est bien triste que, pendant que d’autres essaient de leur venir en aide, même de façon insuffisante, nos pays du nord de l’Afrique demeurent englués dans des problèmes internes qui les empêchent d’honorer leurs responsabilités. On salue bien sûr des initiatives qui, comme celle qui a été prise par la Tunisie, tentent de surmonter ces conflits — dont le conflit libyen est le plus actuel —, et on n’ignore pas non plus les problèmes économiques que connaissent nos pays, mais on déplore malgré tout une certaine tendance à l’inertie, voire à l’indifférence, quand des drames humains à grande échelle se déroulent à nos portes ou un peu plus loin…
Un sursaut de solidarité envers les populations du Sahel et de la Corne de l’Afrique serait pourtant une façon de marquer une plus forte présence sur la scène internationale et de gagner en cohésion au niveau de toute la région.