Je fus adopté par un quartier «Houmet El M7alla», (quartier de la caserne). C’est là que je me suis fait les plus d’amis : les Mokranis, Addala, Mneffakh, Belhiba, Ghraïri et autres. J’ai toujours été merveilleusement accueilli chez eux. Souvent leurs mamans, tout en sourire, me proposaient alors de la Zoummita ou une généreuse poignée de dattes séchées.
Nos jeux se passaient dans une place publique surélevée qui constituait le centre de tout ce quartier. Après les matchs, on se lavait dans les « Sarouts » (rigoles d’irrigation) qui serpentaient dans les merveilleuses palmeraies qui entouraient ce quartier.
On s’aventurait des fois à aller jouer dans des terrains des militaires sur le bord de la plage où, non loin, on achevait la construction du « Casino » qui a été inauguré cette année là.
Nos parties homériques de foot se passaient contre « Houmet Essardouk », un quartier mitoyen qui tirait son nom de l’existence d’une l’église au sommet de laquelle il y’avait une girouette avec un coq (Sardouk). Rares les parties qui ne se terminaient par une bagarre générale, jamais méchante puisqu’on se retrouvait le lendemain sur les même bancs d’école, comme si de rien n’était.
Quand quelqu’un avait quelques pièces, on allait à la « Hara » des juifs pour acheter de succulents gâteaux. On trouvait les meilleurs sandwiches à l’épicerie fine juive non loin de la mosquée, mais le champion des bricks était un Ghomrasni chez qui un brick Batata coûtait 10 millimes alors qu’avec un œuf il fallait en débourser 25…
Un casse-croûte populaire était répandu chez les jeunes : « Thmoun Khobza et 3 harissa » vendu dans toutes les épiceries. Il consiste en un huitième (Thmoun) de pain (qui coutait 55 millimes à l’époque) dans lequel on mettait pour 3 millimes d’Harissa, et le compte est bon pour un prix de 10 millimes. Comme boisson, on sirotait du legmi, cette succulente sève de palmier que nous achetons avant que certains adultes ne prennent un malin plaisir à faire fermenter.
Les derbys entre l’espérance de la place et association de Jerba étaient très chauds. Le premier auquel j’ai assisté était sur l’ile. Les plus démunis des supporters akkara faisaient le trajet à bicyclettes et même à pieds. Ces derniers partaient le samedi et revenaient le lundi…
Là sont quelques réminiscences d’enfance à Zarzis. Les images, les paroles, la générosité des Akkara, les joies et plaisirs simples de leurs gosses, mais aussi la fierté des femmes et des hommes devant la dureté de la vie de l’époque m’ont marqué à jamais.
Je ne suis retourné qu’une fois et juste pour quelques heures. J’ai peur d’y retourner et gâcher ces rêves.