Turquie – Référendum : La balle est dans le camp de l'opposition.

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L'affaire est entendue : le président turc dispose désormais des conditions juridiques en vue du renforcement de ses pouvoirs. Les contestations qui se sont fait entendre du côté de certains partis de l'opposition viennent de recevoir une réponse négative de la part des autorités électorales. Elles ne peuvent plus permettre d'annuler les résultats du référendum de dimanche dernier, accordant aux partisans du oui une légère avance avec 51,4 % des voix.

Ces contestations n'étaient pourtant pas sans bonnes raisons. L'un des grands partis d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP) a, de façon très officielle, présenter un recours au Haut Conseil Electoral mardi dernier. Motif : ledit Conseil aurait permis que soient considérés comme valides des bulletins non marqués du sceau officiel. Pour le CHP comme pour le parti pro kurde HDP, il s'agit d'une "manipulation" qui aurait rendu possible des "fraudes massives"... Suffisamment massives en tous cas pour changer le résultat final du référendum. "Le Haut Conseil Electoral a changé les règles en cours de jeu", s'est indigné Kemal Kiliçdaroglu, président du CHP, sur les colonnes du quotidien Hürriyet.

A l'appui de ces critiques internes, des observateurs étrangers ont émis des "réserves" - qui ont touché aussi le déroulement général de la campagne - et l'Union européenne a appelé de son côté à une "enquête indépendante sur de présumées irrégularités". Mais le président Erdogan a tout de suite prévenu que tout rapport qui serait présenté par quelque commission que ce soit sur cette question serait considéré comme nul et non avenu.

Bien entendu, le résultat n'est tout à fait définitif qu'après la réponse du Haut Conseil Electoral à la demande d'annulation qui lui a été adressée par le CHP. Or, on le sait depuis hier : cette demande a été rejetée. Du reste, les chances d'une réponse favorable étaient d'autant plus minces qu'Erdogan avait déjà été félicité pour sa victoire à l'international. En particulier par Washington : excusez du peu ! Erdogan est d'ailleurs attendu pour le mois prochain dans la capitale américaine, où il sera reçu par Donald Trump.

La question s'impose donc à nouveau aux esprits : y a-t-il un sens et un intérêt à ce que la Turquie fasse revivre sur son sol le califat qu'elle avait enterré le 3 mars 1924 sous ordre de Kemal Atatürk, puisque à l'orientation islamisante de la politique se joint désormais l'étendue des pouvoirs du dirigeant ?

Il paraît difficile d'avoir une réponse satisfaisante à ce stade des événements. Dans les jours qui viennent, on s'attend à ce que Erdogan reprenne la présidence de l'AKP, son parti d'origine. Les autres modifications induites par la réforme constitutionnelle, comme la suppression du poste de Premier ministre, ne sont pas prévues avant 2019, date de nouvelles élections législatives.

Un chose est sûre, néanmoins : l'opposition dispose de raisons très suffisantes pour unir ses forces, dès à présent, en vue de constituer un vaste front démocratique. Le camp du non au référendum, qui représente quelque 48,6 % des voix, représente pour elle un socle populaire considérable. La faveur dont elle bénéficie d'autre part à l'étranger, et en particulier auprès de l'Union européenne, lui servira de soutien précieux. Et, surtout, le risque que le nouveau pouvoir présidentiel se transforme en régime liberticide, en dictature, constitue un moteur puissant pour mobiliser les énergies et serrer les rangs.

Voilà donc trois facteurs qui sont susceptibles de faire de ce référendum aux mobiles inquiétants un événement non dénué d'aspects positifs.

D'aucuns se sont interrogés il y a quelques mois si le putsch de juillet dernier n'était pas une aubaine pour Erdogan, puisque cela a ouvert une période de purges massives qui ont permis de dégager largement la voie devant ses ambitions politiques. Mais le paradoxe de l'histoire ne s'arrête peut-être pas là : avec ce "califat" aux contours et aux visées encore imprécis, il y a pour les forces politiques en Turquie tout un nouveau jeu à réinventer, tout un équilibre à mettre en place avec ses contrepoids…

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