Avant-hier, le hasard a voulu que je sois au palais des congrès pour assister avec quelques amis à la cérémonie "des Comar d'or" décernant des prix littéraires à des romans tunisiens écrits en arabe et en français.
A l’évidence, les prix furent décernés par des jurys indulgents à quelques écrivains et écrivaines ami(e)s, hormis Gilbert Naccache, que je ne soupçonne pas d’accointances avec un Samir Marzouki, gardien du temple de la francophonie en Tunisie et saint protecteur du complément d’objet direct et des règles de l’accord du participe passé, encore un indécrottable que la Révolution n’a pas dévissé de son trône et qui résiste vaillamment à toutes les tempêtes.
Je fus saisi d'effroi quand j'ai remarqué que la dame présentant la cérémonie ne s'exprimait qu'en français bien que les invités fussent en majorité Tunisiens....
Le fait que l'ambassadeur de France soit présent ne peut et ne doit expliquer un tel mépris, un tel dédain envers la langue maternelle, d’autant plus que ce phénomène, tend à se généraliser sournoisement dans nos médias et qu’il serait bon de rappeler à l'ordre ces orphelins de la "France impériale et coloniale"....
Eux, les Français, défendent bec et ongles leur langue et ne permettent pas qu'on la souille, alors que "nos collabos" s'efforcent d'offenser leur langue maternelle....Mentalité de harkis ???
Ça aurait été le « Goncourt » ou le « Renaudot », j’aurais compris et cela m’aurait surpris que le maître de cérémonie, aussi farfelu fût-il, eût l’audace d’ergoter en anglais ou en allemand, renonçant à son français maternel par pure vanité ou par subordination à un quelconque ambassadeur anglophone.
Or, dans nos contrées, il semble que mondanités stupides, bling-bling et servitude à l’égard de la langue coloniale fassent bon ménage et que le Français apprivoise et domestique l’esprit ingénu de quelques cerbères du temple francophile !!!
Quand bien même notre identité serait plurielle ou schizophrène, il conviendrait de rappeler à ces « indigènes » abâtardis que nous disposons d’une langue qui mérite d’être protégée et dont l’utilisation n’est ni un signe d’avilissement intellectuel, ni le symptôme d’une régression culturelle ni un vilain stigmate de quelque obscurantisme rétrograde !
L’image refoulée, est celle du dominé, de celui qui a intériorisé le complexe du colonisé si bien qu’il s’est dépouillé de son histoire, de sa culture et même de sa langue. Sa conviction, est que l’usage de la langue française, même s’il est claudicant et imparfait, lui confère un certain prestige social et l’enracine dans une nouvelle identité, bien que négative, qu’il se forge et qui ne trouvera son expression ou sa représentation que dans l’identification à la langue française.
Je n’exhorte pas qui que ce soit à être fier de ses origines, de sa langue, de sa culture et de son peuple, car ces choses-là vont de soi, mon intention n’est pas de gonfler artificiellement la fierté nationale du Tunisien afin qu’il ne se sente pas avili quand il pratique sa langue maternelle, mais de rappeler que la langue est le premier élément national, le premier devoir de tout citoyen est donc de la parler, de la respecter et de la conserver.
Il n’est pas honteux d’être tunisien, ce n’est pas une maladie sexuellement transmissible, on n’a donc pas à en rougir !!!