Un duel de médiocrité et d'hypocrisie

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Le débat Le Pen - Macron fut, parait-il, très médiocre.

Comment s'en étonner et même le déplorer, tant il était évident que deux candidats de l'extrême, l'une nationaliste et l'autre ultralibéral, n'avaient rien d'autre à proposer que des invectives et deux visions clientélistes d'un autre temps ? L'urgence sociale, écologique et institutionnelle ne figurant pas dans leur agenda.

Ces deux candidats partagent la même vision de la politique, le fameux ni gauche ni droite qui n'est autre que la négation de la démocratie et de la lutte des classes, estimant que patrons et salariés ont les mêmes intérêts comme on peut le constater avec la fermeture de l'usine whirlpool à Amiens !

Ces finalistes ne viennent pas de nulle part. Ils sont le produit des médias, de l'épuisement des deux grands partis de la Cinquième République et de l'état du corps électoral.

Les créatures des médias du CAC 40 :

Depuis que Marine Le Pen dirige l'entreprise familiale, les médias dominants sont particulièrement complaisants avec elle.

D'abord avec des interviews molles, des photos la mettant en valeur, des articles validant le discours sur la transformation du parti et faisant disparaître le nom de famille au profit du prénom.

Et puis, il y a ces incessantes remarques et ces articles portant sur les équivalences entre le FN et le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Il s'agit d'une méthode qui permet à la fois de banaliser et de légitimer l'extrême droite tout en ostracisant son pire ennemi. En l'espèce, les médias ont rejoué la petite musique traditionnelle du "plutôt l'extrême droite au pouvoir que la gauche" !

Ensuite indirectement, en banalisant la parole xénophobe à coups de unes puantes et racoleuses depuis les attentats contre Charlie Hebdo, faisant généralement systématiquement le parallèle entre Islam, immigration et terrorisme. Enfin, n'oublions pas la responsabilité des chaînes de télévision qui n'invitent comme experts ou éditocrates pour éclairer les téléspectateurs que des gens proches du PS, de la droite, du centre et de l'extrême droite, et qui excluent systématiquement des personnes proches de la gauche radicale (aucun journaliste du Monde diplo, de L'Humanité par exemple).

S'agissant de Macron, les moyens déployés furent spectaculaires. Avant sa nomination en qualité de secrétaire général adjoint de la présidence de la République, la vie de Macron était inconnue du grand public. Depuis, elle a été scénarisée à coups d'articles flatteurs, de publireportages people, et de unes… Plus rien ne nous échappe de la vie de cet individu, sauf peut-être l'essentiel !

Toutes les questions relatives à son patrimoine ont été traitées sans l'être vraiment à fond. Quid de son train de vie, quid du million d'euros évaporé en une année, de déclaration de revenus guère sincère ? Quant à son programme politique, il a fallu attendre les dernières semaines pour avoir quelques pistes concrètes, et ce sur l'insistance, non pas des médias, mais de ses adversaires.

Les médias ont fabriqué le politicien idéal, ni gauche, ni droite, relativement jeune, pro-européen et atlantiste, néolibéral économiquement et socialement, et légèrement transgressif au niveau sociétal…

En définitive, Macron et Le Pen sont le produit d'une oligarchie qui possède plus de 95 % des médias. Du Monde à Libération en passant par Le Figaro et le Parisien, de L'Obs au Point en passant par Valeurs Actuelles et L'Express, industriels et affairistes financent et défendent la même idéologie, le néolibéralisme.

Ces médias sont donc naturellement complaisants avec Macron. Mais, ils le sont aussi avec l'extrême droite qui, si elle ne défend pas forcément le néolibéralisme, est foncièrement capitaliste et opposée aux syndicats de travailleurs. Pour l'oligarchie, elle représente un allié traditionnel, le dernier atout en cas de grave crise du capitalisme.

Mais, l'émergence de Le Pen et de Macron n'aurait vu le jour sans la faillite des deux grands partis traditionnels de la Cinquième République.

PS et droite classique en pleine déliquescence :

Depuis une vingtaine d'années, l'alternance PS et droite classique (RPR, UMP, LR) correspondait plus à une certaine continuité politique. Les uns et les autres se succédaient pour ne rien changer et mieux poursuivre la même politique. On pourrait illustrer cela avec les politiques relatives aux cotisations sociales, à la sécurité sociale, aux retraites, aux lois et réformes respectant inlassablement la même logique du moins-disant social. On pourrait le définir avec l'acronyme TINA : there is no alternative.

La droite classique a perdu sa vision gaullienne en matière de politique étrangère et économique, ne conservant que l'autoritarisme politique et le conservatisme moral. A mesure qu'elle devenait atlantiste et néolibérale, elle s'est radicalisée sur les questions portant sur l'immigration, espérant ainsi séduire une partie de l'électorat frontiste. Or, l'inverse s'est produit. Le phénomène s'est même accéléré avec les affaires Fillon.

Durant la même période, le parti socialiste s'est converti aux dogmes de l'idéologie néolibérale, défendant même sous Hollande la politique dite de l'offre… Offrant donc aux entreprises du CAC 40 des dizaines de milliards d'euros sans aucune contrepartie ni contrôle, déréglementant le droit du travail, aggravant la privatisation rampante de la sécurité sociale, persistant dans l'austérité en interdisant toute augmentation substantielle des minimas sociaux et du SMIC.

Le pouvoir socialiste a mené une politique de droite dans tous les domaines, hormis le sociétal. Au final, difficile de distinguer le PS de la droite, voire même de l'extrême droite quand Hollande a repris à son compte la déchéance de nationalité, une vieille idée du Front national… Totalement discrédité aux yeux de son électorat traditionnel, le PS s'est triangulé lui-même. Il reste Macron pour sauver la carrière de certains éléphants et apparatchiks "socialistes"…

Un corps électoral désappointé :

La première observation concerne le nombre important d'abstentionnistes malgré une offre électorale large au premier tour : 10 millions d'électeurs soit plus de 22 %.

La seconde concerne les 300.000 électeurs qui ont été radiés des listes électorales sans être prévenus.

Enfin, la dernière concerne ces millions d'électeurs influençables ou manipulables qui ont participé aux primaires. Il faut avouer que ces élections qui n'en sont pas vraiment ont été survendues par le système médiatique !

Ainsi, a-t-on vu des électeurs de gauche participer à la primaire de droite et des électeurs de droite à la primaire de gauche, soit par pure détestation d'un candidat du camp d'en face, soit pour élire un présidentiable ayant le moins de chances de l'emporter à la présidentielle ! Et parmi eux, certains se vantaient même de n'avoir aucune éthique morale.

Devant un tel spectacle, que dire si ce n'est que ces électeurs sont à l'image de leurs élus, en particulier ces politiciens du PS et de LR qui, mécontents du résultat de leurs primaires, ne respectèrent pas leur parole en rejoignant Macron !

Et le plus rigolo aujourd'hui, ce sont ces mêmes électeurs [1] et ces mêmes politiciens qui invoquent la morale pour inciter les abstentionnistes à faire barrage à l'extrême droite… et à sauver la démocratie ! Ce sont aussi ces médias du CAC 40 qui ne voulant pas griller leur joker Le Pen lancent leurs chiens de garde aux trousses des électeurs de la France Insoumise afin que ces derniers glissent, dimanche prochain, un bulletin Macron.

Vivement les législatives…



Note

[1] observables sur les réseaux sociaux

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