Les mythes des miteux volent en éclats

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Nous oublions que chaque jour qui vient apporte une proposition de renouvellement qui s’offre à chacun de nous. Il apporte aussi son lot de malédiction. Parfois des choses inouïes se produisent pour nous réveiller de la torpeur, de l’insouciance ou du dégoût.

C’est ainsi que ces derniers jours nous voyons les syllogismes fallacieux et les artifices mensongers annonçant l’apocalypse non seulement voler en éclat, mais défier toute logique humaine routinière.

La descente aux enfers à cause de l’effusion de sang des Libyens, des Syriens et des autres humains ne fait que commencer. Elle a été initiée par un comportement qui ne sied pas à une quelconque autorité religieuse : Les « savants » saoudiens ont fait valoir leur appartenance tribale et leur référence à Abdelwahab. Il a été suivi par une guerre médiatique avant de se transformer en rupture diplomatique, embargo économique et ultimatum militaire.

Il s’agit tout simplement d’une demande de reddition pure et simple du Qatar aux injonctions saoudiennes sinon un coup d’État ou une invasion militaire. Les conditions de la capitulation sont dictées sous forme de dix commandements dont :

– la fermeture d’Al Jazeera (Elle a donné la voix aux opposants arabes y compris aux opposants au régime saoudien. Elle a su présenter un nouveau style et une nouvelle compétence fondés par le recrutement des meilleurs journalistes arabophones autour de l’équipe éditoriale en provenance de la Britannique BBC Arabic Television. L’Arabie saoudite a tenté de rivaliser avec Al-Jazeera en créant le 3 mars 2003 la chaîne Al Arabia par le groupe MBC ayant pour siège Dubaï aux Émirats arabes unis. Al Arabia est une chaine de désinformation avec des moyens colossaux (400 salariés et 120 journalistes). Dans le monde arabe, la chaîne a pu gérer les contradictions du monde arabe : donner la voix au HAMAS, au JIHAD islamique, aux Frères musulmans et aux gouvernants de l’entité sioniste. Mettre en vedette Haykel le nationaliste laïc et Qaradhawi l’internationalisme islamiste. Couvrant la guerre en Afghanistan, elle a montré Al Qaeda, Ben Laden, la résistance afghane et l’armée américaine. Elle a couvert la guerre au Kosovo, défendant les bosniaques et justifiant la guerre de l’OTAN contre la Serbie, elle a divulgué les accords secrets entre l’entité sioniste et l’Autorité palestinienne. C’était une révolution médiatique qui a donné de la visibilité, de la présence et de la puissance au Qatar. Il appartient aux experts de l’information, du marketing, de la sociologie, de la politologie, de l’idéologie, de la diplomatie et du renseignement de se prononcer sur ses constructions informationnelles et ses luttes idéologiques dans le monde arabe. Il y a du travail pour les jeunes doctorants.) ou son alignement sur celui d’Al Arabiya,

– le renvoi des cadres du HAMAS et des Frères musulmans résidents au Qatar,

– le paiement d’une taxe pour dédommager l’Arabie et les Emirats arabes des nuisances du Qatar. Il s’agit sans doute du paiement d’une redevance sur le gaz pour compenser l’imposition financière de Trump aux Saoudiens et une échappatoire aux futurs dédommagements à verser aux assurances américaines et aux victimes du 11 septembre. Il s’agit de laisser le Qatar endosser tout seul la responsabilité du terrorisme « islamique ». Les lobbies saoudiens aux Etats-Unis ont financé les campagnes médiatiques contre le Qatar l’accusant de soutien du terrorisme.

Après le Qatar, chacun jouera en son temps et selon l’agenda de l’empire et du sionisme le rôle de bouc émissaire du terrorisme.

À notre époque, le scénariste, le moralisateur et l’acteur principal sont sous la direction de Donald Trump qui joue sur la lâcheté, l’arrogance, la servilité et la stupidité des monarchies arabes. Pour relancer les projets de relance économique aux États-Unis il impose :


• au Koweït de verser 50% de son revenu annuel au lieu des 25% versé à l’Amérique en paiement de sa libération et de sa protection contre l’Irak,

• à l’Arabie saoudite 500 milliards de dollars en achat d’armement américain et en investissements dans les infrastructures américaines.

• Il va exiger du Qatar le paiement d’une dîme à vie ou du financement de l’autre partie de son projet de relance économique en échange de la protection américaine contre les convoitises de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes. Les positions contradictoires de Trump, souhaitant l’Arabie et accusant Qatar puis demandant une conférence de paix à Washington, ne sont pas stupides, elles sont celles d’un cambiste qui fait monter les enchères.

L’argent arabe va continuer de servir à détruire le monde arabe et à donner la suprématie à ses ennemis. Le monde arabe n’a que faire de l’arabité et de l’Islamité de l’imposture « Serviteurs de deux lieux saints de l’Islam » comme il n’a que faire des luttes interconfessionnelles ou des rivalités de pouvoir : il veut la paix et le progrès. Le chemin de la paix et du progrès est la liberté assumée par les peuples et la gouvernance sensée des élites.

Les changements ne demeurent pas en l’état et les saoudiens vont comme au Yémen s’enliser. Des processus se mettent en place et peuvent aider le Qatar non seulement à refuser la capitulation, mais à accepter la confrontation. :

Les Turcs changent la donne en envoyant leurs troupes d’élite au Qatar et en activant le pacte de défense commune. Ils font de l’offensive la meilleure stratégie défensive contre le plan de déstabilisation qui vise la Turquie et qu’Erdogan a permis par son ambition et ses confusions.

Par ailleurs, un grand pan de l’économie turque en particulier le secteur du bâtiment et de la construction, est en partenariat d’affaire (montage financier et boursier) avec le Qatar et il est difficile de croire que la Turquie va assister impuissante à l’effondrement de son économie ou de sa confiscation d’autant plus que les retombées négatives de la guerre en Syrie se font sentir.

La Syrie était un poumon industriel et commercial pour la classe entrepreneuriale turque ainsi qu’un réservoir de main d’œuvre à bon marché. Par ailleurs, la Turquie d’Erdogan a perdu un allié stratégique après le coup d’Etat de Sissi contre le président Morsi et elle ne va pas se permettre de perdre le dernier allié. Les dirigeants turcs sont persuadés que le même scénario israélo-américano-saoudien appliqué contre les Frères musulmans égyptiens est en préparation au Qatar.

Les Iraniens changent la donne en ouvrant leur espace aérien et leurs ports. La chaîne saoudienne Al Arabia, par désinformation ou par crainte, annonce l’arrivée de troupes d’élite des Gardiens de la Révolution pour protéger le palais et dignitaires qataris. Les iraniens savent que les Saoudiens cherchent, sous impulsion américaine, n’importe quel prétexte pour leur déclarer la guerre, est-ce qu’ils vont donner ce prétexte ?

Les rencontres entre Turcs, Iraniens et Irakiens annoncent peut-être l’émergence d’un front anti saoudien qui va se manifester par le soutien effectif au Qatar. L’Émir du Qatar, jeune et intelligent, peut imaginer un scénario inédit même si la configuration géographique est en défaveur du Qatar.

La visite du ministre des affaires étrangères qatari à Moscou s’inscrit dans ce cadre. Les Russes ont intérêt pressant à une présence active au Moyen-Orient.

De part et d’autre nous sommes face à des mentalités arabes qui subissent l’affectif au lieu de se soumettre à la raison. Les choses peuvent donc aller vite, trop vite tout en se compliquant dans un sens ou dans l’autre.

Dans l’immédiat les Russes, les Turcs et les Iraniens peuvent changer les lignes de confrontation et les échéances, mais ils ne peuvent changer les mentalités et le cours de l’Histoire. Ce qui est sûr, c’est que les rivalités entre Qatar et les pays du Golfe sont vieilles comme le temps, ce qui est vrai aussi, ce sont les luttes tribales et l’esprit clanique. À la différence du passé, lointain ou proche, le conflit sort de son cadre golfique pour devenir régional et en voie d’internationalisation.

La crise est installée durablement, son dénouement sera tragique et il viendra davantage de l’effondrement des États-Unis que du renouveau du monde arabe. Pour l’instant, on ne peut que se réjouir de l’effondrement de l’OTAN arabe.

Le monde arabe – administrés et administrateurs, gouvernants et gouvernés, pouvoir et opposition, élite et gens du commun, musulmans et non-musulmans, islamistes et nationalistes, sunnite et chiite – doit impérativement penser à sa résistance contre la stupidité des siens et à la cupidité vorace des étrangers.

Il doit comprendre qu’il n’y a ni dignité humaine ni autonomie politique ni patrie lorsque les nationaux ne produisent ni leur nourriture ni leur armement, ni leurs idées ni leur devenir.

La fin des mythes des miteux doit nous faire prendre conscience qu’avec la mentalité miteuse qui nous habite depuis des siècles nous sommes aptes ni à importer la modernité et la laïcité de l’Occident ni à nous propulser en élan civilisateur et libérateur de l’Islam.

Combien est vraie la sentence prophétique :

« Comme tu fais il te sera fait ».

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