Les mêmes qui n'ont pas voulu envisager un seul instant que Abdelkéfi puisse démissionner à la suite de la révélation de ses déboires judiciaires, saluent à présent sa démission, la jugeant courageuse et exemplaire.
Je ne sais pas comment ils s'y prennent pour passer si vite d'un état d'esprit frappé de cécité à un autre empli de clairvoyance, mais force est de constater qu'ils y parviennent sans mal.
Dans cette péripétie, ce n'est pas le ministre démissionnaire qu'il convient de saluer seulement, mais aussi ces esprits devenus subitement lucides…
Une aberration que seul ce d'union nationale sache nourrir en plein black-août. Celle qui consiste à laisser au même titulaire, le portefeuille de ministre du développement et de l'investissement mené de pair avec celui des finances.
Ajouter à cela, un léger parfum de conflit d’intérêt entre sa charge de ministre des finances et les activés boursières de sa petite exploitation familiale... Et pour clôturer le tout, une sordide cabale menée par des journalistes malintentionnés dans une ténébreuse affaire d'infraction à la législation des changes.
C'est ainsi que le matin, le ministre à la double casquette, est chargé d'impulser les investissements tels qu'esquissés par le plan quinquennal de développement (2016-2020) alors que l'après-midi, il est tenu de freiner des quatre fers les dépenses salariales dans le secteur public, conformément au desiderata du FMI…
Bref, la direction financière et économique du pays est, on ne peut plus, conduite de main de maître. Écartelé qu'il est, entre les attentes du pays profond et les contraintes dictées par le gendarme de la finance internationale. En quelque sorte (et ce n'est pas une sinécure), d'un côté, il s'efforce de s'inspirer des politiques de relance économique de Keynes et Galbraith et de l'autre, il s'emploie à appliquer les austères principes monétaristes de Milton Friedman et Hayek.
Heureusement que la séance unique lui permet d'éviter le burn-août... Sauf quelques dérapages dus à des sorties de route intempestives, comme celle, par laquelle, il déclara publiquement qu'il passait son temps à trouver sur les marchés internationaux "des crédits pour payer les salaires de la fonction publique". Un vrai tête-à-queue dans les circuits feutrés d'une ARP assoupie.
Ce jour-là, il portait la caquette de ministre des finances. L'histoire ne dit pas, ce qu'il pensait le même jour, en tant que ministre du développement régional, des promesses d’investissement sans lendemain lancées lors de la conférence Tunisia 2020, il y a presque un an…