Après les élections allemandes, l’axe franco-allemand, est encore plus difficile

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Depuis longtemps les intérêts nationaux de la France et de l’Allemagne sont en totale contradiction parce que le terrain de jeux est allemand et sur ce qui est fondamental est blindé contre le changement et les amendements.

Les gouvernants de la nouvelle Allemagne décomplexée, résultant de la réunification, ont peu à peu détérioré les trois piliers qui ont réhabilité le pays depuis la catastrophe hitlérienne : l’État social, l’intégration dans l’Union Européenne et la politique de détente envers la Russie connue comme Ostpolitik.

Nous avons à leur place aujourd’hui une Europe allemande avec des coupes qui secouent le consensus social de l’après-guerre, avec plus d’inégalité, de précarité et de pauvreté, une stratégie nationale-exportatrice aux dépens des partenaires, et une guerre froide absurde avec la Russie avec des nouveaux drang nach Osten [1] en Ukraine. Tout cela désintègre l’Union Européenne.

Aujourd’hui un nouvel élément s’ajoute : dans aucun pays d’Europe Occidentale, les nationalistes ne sont aussi fortement représentés qu’en Allemagne. Où sont les affirmations des professionnels de l’europtimisme ? « La vague populiste s’est cassée », disaient-ils après que les avancées de l’extrême-droite en Hollande, en France et en Autriche ne soient pas traduites par des victoires.

La crise a été surmontée, annonçaient-ils, « nous avons de nouveau le vent en poupe », a dit Jean-Claude Juncker. Et là dessus Macron est arrivé, le nouveau chevalier blanc avec son équation impossible : faire les réformes pendantes en France pour demander en échange des changements fondamentaux dans le blindé euro-stadium prussien. Cette concertation illusoire de l’axe franco-allemand se trouve maintenant un peu plus mal.

Une Merkel plus faible n’aide pas, mais complique, l’ambition de Macron d’arriver à une entente avec Berlin. Avec les ultras au Bundestag et les libéraux des FDP (eurosceptiques) peut-être au gouvernement, la marge de Merkel pour concéder des miettes au français a été réduite.

En France, Macron a perdu les élections sénatoriales (il a obtenu deux ou trois fois moins de sénateurs que ce qu’il attendait), ce qui fait tomber le rideau sur tout plan de réforme constitutionnelle. Le prestige du président chute et les protestations contre ses réformes, dont l’application a à peine commencé, augmentent peu à peu.

Après ce week-end, tant en France qu’en Allemagne il y a des gouvernements et des leaders plus faibles. En Allemagne la réponse vient par la droite, en France il semble qu’elle tourne à gauche. Dans aucun des deux cas c’est une grande chose, pour le moment, mais tout démontre que cela va aller plus avant. On attend l’« étincelle ». Dans ces circonstances la « refondation » de l’Union Européenne à laquelle le volontarisme de Macron prétendait, est encore plus difficile.

Pendant ce temps, les quatre brèches avancent : la fondamentale et jamais reconnue officiellement franco-allemande, celle de l’Est, celle du Sud et celle du Brexit. Macron parlera aujourd’hui à la Sorbonne de sa refondation. Il faudra l’écouter. Mais l’Union Européenne, telle que nous la connaissions, a cessé d’exister. Plus vite les europtimistes professionnels le reconnaissent, mieux c’est.


* Rafael Poch, Rafael Poch-de-Feliu (Barcelone, 1956) a été vingt ans correspondant de « La Vanguardia » à Moscou et à Pékin. Avant il a étudié l’Histoire contemporaine à Barcelone et à Berlin-Ouest, il a été correspondant en Espagne du « Die Tageszeitung », rédacteur de l’agence allemande de presse « DPA » à Hambourg et correspondant itinérant en Europe de l’Est (1983 à 1987). Actuellement correspondant de « La Vanguardia » à Paris.

Notes

[1] Le Drang nach Osten (« Marche vers l’Est ») ou Ostkolonisation était à l’origine un mouvement de colonisation germanique vers l’est, depuis la première moitié du XIIe siècle et jusqu’au XIXe siècle. Ce nom désigne aussi, dans les livres d’histoire, la politique expansionniste de la Prusse et de l’Autriche en Pologne ou dans les Balkans, à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle. Enfin le nazisme y fit référence dans ses théories pour justifier leur expansionnisme criminel

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