Les élections des doyens et des directeurs des institutions universitaires de 2017 ont eu lieu avec le même mode électoral que celui en vigueur avant 2011. Les enseignants universitaires sont divisés en deux corps : le A qui regroupe les professeurs et maîtres de conférences, le B qui rassemble les maîtres assistants et les assistants.
Tous les enseignants d’une grande institution universitaire sont ainsi appelés à élire 6 enseignants mais seulement du corps auquel ils appartiennent ; sachant que le corps B est composé d’un plus grand nombre d’enseignants, ce mode de scrutin réduit donc sa représentativité.
Les 6 enseignants du corps A et du corps B, élus par leurs pairs, voteront pour le doyen ou le directeur de l’institution. Le vote est ainsi indirect. Par tradition, ce mode scrutin incite tacitement les participants à se grouper en liste en désignant par avance le candidat directeur pour lequel ils vont voter.
Ceux qui ne se plient pas à cette tactique et ne font pas leur « coming out » voient leur chance de l’emporter se réduire comme peau de chagrin et ne se présentent donc pas. D’ailleurs ce mode de fonctionnement est contraire au secret du vote.
Ce mode de scrutin indirect était déjà en vigueur pendant les années de dictature et vraisemblablement servait les intérêts de ceux qui voulaient d’une manière ou d’une autre avoir la main mise sur ces élections.
Pour la petite histoire, j’ai le souvenir d’une de ces années de plomb, quand les élections d’un conseil de département avaient été tout simplement annulées car vraisemblablement aucune des personnes attendues pour la direction n’avaient été élues ! Savez-vous ce qui a alors été imposé ? Le directeur de département a tout simplement été nommé … et le département a fonctionné sans conseil !
Il faut s’étonner que jusqu’à aujourd’hui, surtout après le 14 janvier 2011, ce type de pratique du passé n’ait jamais été dénoncé.
Ainsi, non seulement le vote des représentants des structures dans les institutions universitaires n’est pas représentatif, n’est pas direct et se fait majoritairement sur liste bloquée ; par conséquent le vote incite à faire passer des clans et des lobbies, plutôt que des individualités estimées pour leurs compétences, intégrité et leur relationnel.
D’ailleurs, on en veut pour preuve qu’on n’oblige pas les membres des conseils de présenter leur CV ni de mener campagne en détaillant leurs activités ni de faire part des actions qui leur tiennent à cœur et qu’ils vont mener dans le cadre de l’institution ou du département.
L’Union des enseignants universitaires tunisiens (syndicat Ijaba) avait proposé que ce mode de scrutin non représentatif et indirect soit modifié de façon à ce que clanisme, copinage, magouilles n’aient plus de raison d’être ; la solution proposée avait pour but de dissocier les élections du doyen de celles du conseil scientifique et que tous les enseignants des corps A et B confondus participent à ces deux votes. Mais les mêmes forces rétrogrades ne veulent rien modifier.