Duplicité arabe, impasse palestinienne

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La décision, le 6 décembre 2017, du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël n’a pas simplement remis en cause un statu quo en vigueur depuis plusieurs décennies à propos du statut de la Ville sainte. Elle a aussi souligné la duplicité de nombre de gouvernements arabes.

Certes, aucun d’entre eux n’a manqué de voter en faveur de la résolution de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) qui a (implicitement) condamné l’initiative américaine. De même, la Ligue arabe envisageait de demander à l’ONU la reconnaissance internationale d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale. Mais, au-delà d’un effet d’affichage, principalement destiné à leurs opinions publiques, Washington a bien pris note de l’absence d’autres manifestations concrètes de la réprobation des régimes arabes.

Les Palestiniens savent parfaitement que le soutien de leurs « frères » relève depuis longtemps d’une dialectique creuse. Ces derniers s’avèrent impuissants à faire pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international voire même les accords d’Oslo. Ils sont tout aussi incapables d’obtenir des puissances occidentales, dont ils sont souvent les alliés, qu’elles agissent contre l’annexion rampante de la Cisjordanie ou pour mettre fin au blocus de Gaza.

En outre, l’Arabie saoudite, obsédée par la menace iranienne, comme elle le fut dans les années 1990 par celle de l’Irak de feu Saddam Hussein, ne cache plus son intention de nouer une alliance inédite avec Israël, fût-ce au prix de renoncements concernant la Palestine.

Le temps où Riyad proposait — c’était sous l’égide de la Ligue arabe en 2002, puis en 2007 — la paix, contre la restitution des territoires occupés depuis la fin de la guerre des six jours de juin 1967, est révolu. Pour la monarchie wahhabite et ses partenaires, dont les Émirats arabes unis, Israël est la puissance régionale apte à empêcher que l’Iran ne devienne une puissance nucléaire.

Pour parvenir à sceller cette alliance, les dirigeants saoudiens mais aussi émiratis ou égyptiens multiplient les pressions afin que les Palestiniens se montrent « enfin raisonnables ». Dans le cadre de discussions préparatoires pour un nouveau plan de paix, ils les incitent à renoncer à Jérusalem-Est comme capitale de leur futur État (Abou Dis, un faubourg de la Ville sainte, est évoqué comme solution de remplacement).

Les opinions publiques arabes, encore très attachées à la cause palestinienne, sont, elles aussi, ciblées. Des intellectuels et des religieux saoudiens montent ainsi au créneau pour expliquer que Jérusalem peut être la capitale d’Israël à la condition qu’une souveraineté islamique (celle de Riyad ?) s’exerce sur le Haram Al-Charif (esplanade des Mosquées).

Abdelhamid Hakim, le directeur général du Centre d’études stratégiques et juridiques du Moyen-Orient basé à Djeddah (Arabie saoudite), estime ainsi que Palestiniens et Arabes doivent reconnaître qu’« Israël est le produit du droit historique des Juifs dans la région » et faire preuve « de réalisme » sur la question de Jérusalem (1).

Le fossé ne cesse de se creuser entre la population des territoires et ses dirigeants, accusés d’avoir failli à leur mission, de s’accrocher à leurs prérogatives et privilèges.

L’illusion qu’une telle démarche puisse aboutir à la paix se propage d’autant plus vite que l’Autorité palestinienne est discréditée. Le fossé ne cesse de se creuser entre la population des territoires et ses dirigeants, accusés d’avoir failli à leur mission, de s’accrocher à leurs prérogatives et privilèges au détriment de l’intérêt national et de n’offrir aucune perspective à leur peuple.

Au pouvoir depuis près de quinze ans, M. Mahmoud Abbas, dont le mandat présidentiel, arrivé à échéance en 2009, a été prolongé arbitrairement jusqu’à la tenue d’élections repoussées sine die, cristallise les critiques.

N’était l’entrée de la Palestine aux Nations unies, en 2012, comme État observateur non membre — un statut similaire à celui du Vatican — ou son admission au sein de la Cour pénale internationale (CPI) en 2015, M. Abbas n’a aucun résultat tangible à mettre à son actif.

Le raïs palestinien, qui avait misé dès le départ sur une politique conciliatrice à l’égard d’Israël, a perdu son pari. Parmi les grands objectifs qu’il s’était fixés — la fin de l’occupation israélienne, la mise en œuvre de la solution à deux États et Jérusalem-Est comme capitale —, pas un seul n’a été atteint. Pis, ils semblent désormais hors de portée, et le discours incantatoire sur le « processus de paix » sert surtout de raison d’être à l’Autorité palestinienne.

Sur le plan intérieur, le régime de M. Abbas s’enfonce dans l’autoritarisme. De nombreux opposants politiques croupissent dans les geôles de l’Autorité, la presse est muselée, et la coopération sécuritaire des services palestiniens avec l’armée israélienne, dénoncée par une large partie de la population, se poursuit bon an, mal an.

Après plusieurs tentatives infructueuses, l’accord de réconciliation signé en octobre 2017 entre le Fatah et le Hamas, censé mettre un terme à la division de la scène politique palestinienne depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le parti islamiste, en juin 2007, avait fait naître une lueur d’espoir. Mais les discussions patinent, l’Autorité palestinienne multipliant les exigences vis-à-vis du mouvement islamiste, lui-même en perte de vitesse à Gaza.

Dans un contexte international des plus défavorables (alignement de Washington sur les positions du gouvernement israélien, attentisme de l’Europe et désengagement de plusieurs pays arabes), l’urgence pour les Palestiniens passe par une recomposition politique de leur mouvement national. Cela permettrait l’émergence d’une génération de dirigeants capables à la fois de faire face aux défis posés par une occupation qui n’en finit pas et de répondre à l’exigence de démocratie et d’unité.


Note

(1) Al-Hurra, Washington, 15 décembre 2017.

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