"Le spectateur ne trouve pas ce qu'il désire. Il désire ce qu'il trouve."
Guy Debord
Bon on se bouffe de la merde c’est une affaire entendue. Il y va de la nourriture comme de l’éducation ou de la santé…une pour les pauvres, une pour les riches, selon que vous pouvez vous offrir le luxe de manger bon et sain, ou que vous devez subir la malbouffe, l’empoisonnement à petites doses par le minerai industriel : la junk food, la daube.
Ensuite que le ministre des finances, le cuistre Le Maire fasse semblant de s’indigner de l’affaire Lactalis de celle là ou d’une autre après avoir supprimé 600 postes de fonctionnaires liés à la sécurité alimentaire - Trop de normes blablabla…trop de fonctionnaires blablabla…pas assez de compétitivité blablabla - les lobbies de la FNSEA et de la grande distribution, c’est à dire pour faire simple de l’agroalimentaire imposant leur loi ou plutôt imposant d’y échapper -
Et que le macro-président au doux et double langage - L’État fera toute la lumière sur l'affaire du lait contaminé de Lactalis et il faudra en tirer toutes les leçons…Il n'y aura aucune tolérance…car la sécurité alimentaire est une priorité…blablabla - s’empresse d’éteindre la lumière laissant en toute impunité les géants industriels continuer à appauvrir les paysans, défiscaliser leurs bénéfices et cerise pourrie sur le gâteau rassis, intoxiquer nos bambins - sang ou lait contaminé même réflexe délirant : L’infâme et les profits d’abord ! -
Rien de nouveau à Tartufland !
Circulez y’a plus rien à voir : pensez printemps jusqu’à l’hiver prochain.
Et alors soudain le pot de Nutella.
Fait divers anecdotique mais signifiant que cette mini émeute liée à la pâte à tartiner et à tout déboiser en promo.
- Quand l'émeute montre la misère l'idiot regarde le #Nutella !
Comme l’écrit pertinemment JLM, le premier réflexe étant de s’alerter de cette ruée primaire vers l’or chocolaté non sans un soupçon de mépris pour cette foule en furie dans l’hystérie consumériste, il est bon d’analyser le phénomène sans forcément hurler avec les loups et le lire, comme le symptôme d’une pauvreté ordinaire, d’un pouvoir d’achat à trois euros près et du désir légitime d’offrir aux gamins un produit de marque à priori hors budget.
Oui, il est toujours facile de se moquer face à l’hystérie collective du tout marchandisé, de ses victimes conditionnées, plus ou moins consentantes.
Alors, ressortir son Bourdieu, sa sociologie de combat, son déterminisme social, sa reproduction de classe…
Dont acte !
N’empêche que si l’on doit chercher à comprendre, à analyser, à expliquer froidement et non dans l’excitation du buzz, il est aussi une autre forme de mépris que celle de nier avec complaisance toute conscience, toute responsabilité à quiconque et ce quelque soit sa classe.
Tous les pauvres ne se conduisent pas comme des porcs !!!
Tous les démunis ne se ruent pas comme des veaux
Tous les damnés de la terre ne sont pas à ce point dépolitisés qu’ils préfèrent voter pour Jennifer surtaxée dans telle merde de téléréalité plutôt que d’utiliser gratuitement leur bulletin électoral.
Car respecter le peuple c’est aussi lui accorder sa part de connerie, cesser de l’infantiliser ou de lui trouver des excuses.
Nous n’en sommes pas encore aux émeutes de la faim, même si ces bousculades pourraient bien en être les prémices, et si une foule en est presque à s’entretuer pour du chocolat on imagine ce qu’il en sera pour une bouteille d’eau quand il fera soif.
Et c’est pour bientôt.
Dans cette misère culturelle, économique et sociale organisée, encouragée, théorisée, abandonnant leur statut de citoyen pour un statut de consommateur, que les gens luttent et s’usent pour du dérisoire tandis qu’on leur supprime sans qu’ils réagissent, l’essentiel (libertés, acquis, conquis, droits…) tel est bien le projet idéologique, la politique en kit de la classe dominante et d’imaginer à la vue des images la joyeuse frénésie dans les bureaux du groupe Ferrero (quelle pub !!! ) et le sourire de contentement de l’oligarchie à savourer tout à la fois la dernière cuvée de Mouton Rothschild et la subtile moelle de leur stratégie d’épuisement :
- ils sont des millions nous ne sommes que quelques uns tant qu’ils luttent entre eux ils nous épargnent beaucoup. Nous restons tout, ils demeurent rien.
Non, pas de révolution à venir tant que le neuro-marketing sert de religion et promet 72 pots de Nutella au paradis de chez Auchan, à moins d’offrir gratos du pur Orangina sur les barricades ou à défaut des fraises Tagada dans les isoloirs.