Le message délivré est désastreux. Ici comme à l'étranger. Deux gouverneurs successifs de la banque centrale tunisienne sont révoqués, sans qu'ils puissent terminer leur mandat. Le dernier en date, à quelques mois de son départ…
S'il voulait accroître le sentiment de désemparement que connait le pays, Youssef Chahed ne se serait pas pris autrement.
Au lieu d'esquiver cette seconde claque administrée par Bruxelles, il a préféré réagir intempestivement et donner sens au vote du parlement européen.
Comme lors de la catastrophe ferroviaire au lourd bilan humain.
Il procède à coups de limogeage. Exit, le soi-disant premier responsable. Celui qui, par définition, ne peut pas se défendre, devoir de réserve oblige.
Il lui a donc suffi de trouver prestement le bon bouc émissaire, le lampiste de service. Aidé en cela par une meute de médias alléchés par le sensationnel et d'experts incompétents.
Or, dans cette affaire de liste des "États exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme" où la Tunisie se trouve en bonne compagnie, semble-t-il, c'est Chahed qui est le principal responsable de cette incurie ainsi que le gouvernement qu'il conduit.
C'est ainsi qu'en dépit des mises en garde répétées du GAFI (instance intergouvernementale de lutte contre ce fléau) régulièrement adressées à nos autorités, celles-ci n'ont pas réagi.
Et là, les faits sont plus accablants que la fois précédente. Contrairement à ce qui s'est passé avec l'entrée puis sortie (éclair) de la blacklist des paradis fiscaux, il s'agissait dans ce cas précis, d'une présence préexistante dans une autre liste noire, sciemment connue de nos autorités, et de son éventuelle radiation, dont il était question hier devant le parlement européen. L'inclusion ou l'exclusion.
Le plus tragique dans cette situation, c'est de constater que le gouvernement actuel avec tous ses moyens institutionnels et diplomatiques, n'a rien vu venir ou n'a rien voulu voir venir (pas plus que l'ARP d'ailleurs) malgré les remontées d'information de la BCT.
Quant au plus comique, c'est d'entendre tour à tour, les ministres des affaires étrangères, finances et secrétaire d'Etat au commerce (tous de sortie ce matin sur les ondes) dire que la Tunisie a tout de même fait un effort substantiel pour se faire retirer de cette liste. En témoigne à cet égard, le nombre de voix en faveur de son exclusion : "il s'en est fallu d'une quarante de voix et nous en aurions été éjectés" disait l'un d'eux !!!
Un peu comme si, on expliquait aux fans de l'Espérance, récemment éliminée en 16ème de finale de la coupe de foot, "elle a certes perdu parce qu'elle a raté un penalty, mais a quand même réussi à avoir plusieurs corners…"
Le plus renversant aussi, c'est d'entendre, à chaque bourrasque de ce type, les déclarations lisses du Commissaire Européen à Tunis (en poste depuis un an déjà) qui n'est jamais avare de bons mots "ce qui arrive n'est pas la faute de la Tunisie, mais elle doit se ressaisir" : comprenne qui pourra !!!