I.V.D : VÉRITÉ ET DIGNITÉ ... OU ... ” VA ET DÉGAGE ” …

Photo

Vous ne pourrez jamais obtenir spontanément d’un État, la Vérité sur les exactions commises en son nom autrefois. Pour une raison bien simple, c’est qu’il ne peut accepter de remuer un passé tumultueux où certains leaders charismatiques avaient forgé une image angélique dans l’opinion.

Il aura fallu que ce soit un mouvement d’opposition ou une nouvelle approche des relations internationales qui imposent cette stratégie du pardon …

Ce sont aujourd’hui les nouvelles conventions de la diplomatie qui dictent la recherche de la Vérité dans toutes les sociétés qui veulent résolument la démocratie après avoir connu des périodes d’agitation sociale et politique …

Ainsi , de nombreux pays ont créé leurs propres commissions d’enquêtes dont l’Afrique du Sud , le Maroc , l’Ouganda , le Nigéria , le Sri Lanka , l’Argentine , le Chili , le Salvador , l’Indonésie , la Colombie et la Serbie …

En Tunisie, du vide institutionnel créé par les dictatures d’antan, résultait la nécessité de créer des structures politico-judiciaires équitables. Et c’était devenu plus qu’une urgence après la Révolution de 2011 …

Aux yeux de la bien-pensance universelle et selon Kritz, ” pour qu’une Nation puisse avancer sainement vers son Avenir, il lui faut non pas simplement fermer la porte sur son passé, mais trouver les moyens de ne pas se résigner aux souffrances qu’elle avait éprouvées ” (1).

Pour dire les choses simplement, une commission Vérité est une institution par le biais de laquelle une Nation essaie d’établir une estimation, une histoire et un inventaire officiels des violences et violations du droit perpétrées par le passé.

À celles et à ceux qui prétendent que la Commission Tunisienne de la justice transitionnelle fait le jeu des islamistes, je leur demande de lorgner vers le sommet de l’Etat.

Je leur rappelle que, pour nous Victimes, il ne s’agit pas d’un combat entre obscurantisme et modernité. Et si tel était le cas, vous savez de quel côté nous nous trouvons.

Je leur rappelle aussi que le pouvoir que l’on peut attribuer à la Vérité Collective pour guérir les blessures individuelles a des limites.
Je leur rappelle surtout que toutes ces auditions réveillent des traumatismes enfouis et que nous nous sentons dans un état psychologique plus précaire qu’avant car, depuis des années, nous avions appris à supprimer cette souffrance sans jamais oublier .

De notre Réconciliation Individuelle, viendra peut-être un jour, la Réconciliation Collective …

À tous les récalcitrants de l’IVD, nous ne vous demandons pas d’être les avocats du pardon et ne croyez pas que nous prêchons dans un désert géopolitique tant que les forces du mal sont couvertes par vos voix.

Cette culture de l’intolérance que vous dégagez contre nous, victimes de l’oppression, n’a d’égale que votre complaisance à l’égard des bourreaux que vous défendez par idolâtrie ; la justice est un droit et non plus un passe-droit …

À ce propos, la scène de pugilat qui avait eu lieu au siège de l’ARP est indigne d’un pays qui se veut démocratique. Il existe toujours, comme par le passé, des têtes brûlées qui cherchent par des actions violentes et odieuses à entretenir les divisions.

Mais il existe aussi des têtes froides et honnêtes, qui font la promotion de la paix sociale. La possibilité d’échapper à cet enfermement binaire du pour ou contre, alors que nous devrions être tous dans le camp de la Justice, pose des questions cruciales sur ce qu’est le pardon public et la manière dont l’État et la Vox Populi à majorité endoctrinée, voudraient s’en détourner.

Je reste perplexe face aux bâtons que l’on essaie de mettre dans les roues d’une institution dont le but est de faire la Vérité sur le passé et par ce biais, de rendre la dignité à de nombreuses victimes de la dictature républicaine.

Personne ne fut choqué, quand il y a soixante ans, l’arbitraire de la Haute Cour de Justice frappait injustement d’Indignité Nationale de nombreuses victimes et qu’aujourd’hui, une Tunisie soi-disant démocratique crie au scandale, lorsqu’on veut recouvrer les droits des opprimés …

C’est que la Tunisie Romantique croit encore plus à la passion qu’à la vertu et à l’injustice qu’à la justice.

C’est triste que l’amour inconditionnel excuse la succession des engouements, des déceptions, des infidélités et des crimes d’état. On en viendrait presque à s’excuser d’avoir dérangé la Mémoire du Bourreau et peu importe si celle de la Victime est piétinée encore une fois …


Note

(1) Neil Kritz , directeur du Rule of Law Program à l’United States Institute of Peace

Commentaires - تعليقات
Pas de commentaires - لا توجد تعليقات