De l’indépendance

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On discute beaucoup ces jours-ci de l’indépendance de la Tunisie. Pour apporter ma contribution à ce débat, je remets en ligne un article publié le 20 mars 2013.

Vive la Tunisie indépendante !

Le 20 Mars 1956, la Tunisie accédait à l’indépendance nationale, c’est-à-dire était définitivement débarrassée de toute tutelle sur le pays et son État, et de toute limitation de souveraineté, autre que celle que cet État lui-même serait amené à accepter, par exemple en réalisant des traités d’union avec d’autres pays.

Cela n’est pas peu : désormais le sort de la Tunisie dépendrait en premier lieu de ses habitants et de la manière dont ils seraient capables de gérer leur pays sur les plans politique, économique social, culturel, etc. Les limites extérieures à cette souveraineté ne viennent pas d’un quelconque diktat d’une puissance ou d’un organisme sur le gouvernement, mais de lois du développement économique du système international auquel elle aurait choisi d’adhérer.

On nous répète a satiété que cette indépendance est le fruit du génie d’un homme, Bourguiba, sans lequel rien n’aurait été fait dans ce sens. Il faut tout de même rétablir des vérités que nombre de ceux qui se réclament aujourd’hui de l’héritage du « père de l’indépendance » n’auraient pas niées en d’autres temps, quand il ne s’agissait pas de se couvrir du drapeau du défunt président pour afficher une certaine légitimité à se battre contre d’autres ennemis.

Tout d’abord, il faut rappeler le contexte international de l’époque : on allait vers la fin du colonialisme, en tant que système économique productif, et, sous les assauts des peuples opprimés, les puissances possédant des colonies étaient en train de céder ces dernières, en préparant les changements économiques chez elles.

La France, en particulier, ne pouvait plus supporter les coûts de guerres coloniales perdues d’avance, comme en témoignait sa défaite à Dien-Bien-Phu, celle grâce à laquelle le peuple vietnamien ouvrait la porte aux indépendances des autres pays, poussant le gouvernement de Mendès-France à accorder l’autonomie interne à la Tunisie le 31 juillet 1954.

Le déclenchement de la révolution algérienne le 1er novembre 1954, la puissance de cette révolution et la situation particulière de l’Algérie, pays de colonisation de peuplement, où cette colonisation, représentant le dixième de la population, était une force de pression considérable, poussa la France à accorder coup sur coup l’indépendance au Maroc, puis en Tunisie, et s’assurer ainsi les mains libres en Algérie.

Cette situation internationale devait aboutir à l’indépendance de notre pays, mais cela avait aussi dépendu de la lutte anticolonialiste, qui en a fixé en quelque sorte le tempo : le mouvement national, la détermination des tunisiens, des militants de diverses organisations, surtout le Néo-Destour et l’UGTT, mais pas seulement, la lutte armée des groupes de maquisards dans les campagnes et les mouvements urbains ont persuadé les français qu’ils n’avaient rien à gagner à poursuivre la répression.

La négociation a d’autant plus été rapide que, dans le conflit qui opposait Bourguiba à Ben Youssef, le second désirait maintenir un front maghrébin où la lutte contre le colonialisme se poursuivrait dans les trois pays simultanément. La victoire de Bourguiba hâta la déclaration d’indépendance, et, si Bourguiba et ses compagnons ont joué un grand rôle dans la négociation, c’est à la mobilisation du peuple que doit être accordé le crédit de cette victoire, ce qui n’enlève rien au mérite de Bourguiba qui a dirigé le combat.

La Tunisie indépendante a été gouvernée de façon autoritaire par Bourguiba, puis cyniquement mafieuse par Ben Ali et surtout par leur parti qui s’est de plus en plus éloigné du peuple pour finir par en devenir le bourreau. Peut-être les conditions générales internationales et nationales empêchaient-elles un autre développement, l’Histoire nous le dira dans quelques années.

Mais aujourd’hui, avec sa révolution, le peuple tunisien a dit ne pas accepter le retour en arrière, il dit et répète à tous ceux qui veulent le gouverner : le travail, la liberté, la dignité. Ce formidable changement d’attitude, prometteur de nouveaux et grands changements, n’aurait pas été possible sans l’indépendance.

Aussi faut-il célébrer cet anniversaire, sans s’attarder sur l’amertume de « on aurait pu faire autrement », ni ramener cet événement aux conséquences de la guerre civile qui a accompagné sa naissance, ni lui imputer les moments pénibles qui ont marqué notre histoire récente : l’indépendance était une condition indispensable au progrès du pays, elle n’en offrait pas la garantie.

Le 20 mars 2013

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