De la France et des Arabes

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Emmanuel Macron, en butte à une contestation sociale, la première de sa mandature, le plus jeune président de France a révélé son archaïsme. Recourant aux vieilles ficelles du métier, il a pratiqué la fuite en avant… à l’instar de Bill Clinton bombardant le Soudan pour détourner les regards de la tâche blanche de la robe bleue de sa stagiaire Monica Lewinsky ; à l’instar également de Margaret Thatcher qui a saisi l’occasion de l’occupation des Iles Malouines par l’Argentine, en 1982, pour lancer l’opération Falkland et se couvrir de gloire, tuant dans l’œuf une sévère grève des cheminots britanniques.

Rétrospectivement, de « l’expédition punitive de Suez » (Guy Mollet 1956), aux « mesures coercitives » de Jacques Chirac 2006 contre le Hezbollah libanais, la France paraît animée d’un prurit belligène à l‘égard des Arabes, éprouvant comme une sorte de jouissance incompressible à « casser de l‘Arabe », « à faire suer le burnous », selon l’expression consacrée. De Sétif (Algérie 1945), à Suez (Egypte 1956), à Sakiet Sidi Youssef (Maroc-1958), à Bizerte (Tunisie 1961), puis, après une parenthèse d’ouverture gaulliste de 44 ans, avec le retour des philosionistes assumés au pouvoir Nicolas Sarkozy, la Libye en 2011, François Hollande, Syrie 2012, enfin Emmanuel Macron Syrie 2018. Les réflexes coloniaux sont tenaces et vivaces.

Dans cette perspective, « la politique arabe de la France » que le « sang mêlé » Nicolas Sarkozy a cherché à déconstruire avec le soutien actif des transfuges atlantistes, -notamment Dominique Strauss Khan, le nouveau socialiste Directeur du Fonds Monétaire International, et, Bernard Kouchner, le belliciste ministre des Affaires étrangères, ancien urgentiste des zones pétrolifères (Biafra, Kurdistan, Darfour, Gabon et Birmanie) -, a surtout consisté pour les pays arabes à voler au secours de la France, à deux reprises, au cours du XXème siècle, pour l’aider à vaincre ses ennemis, notamment en 1939-1945, en l’aidant à se débarrasser du joug nazi dont une fraction importante de la communauté nationale de confession juive en a lourdement pâti.

En contrepoint et pour prix de la contribution arabe à la libération de l’Alsace-Lorraine, la France a amputé la Syrie du district d’Alexandrette pour le céder à la Turquie, son ennemi de la Première Guerre Mondiale (1914-1918), et carbonisé au napalm les habitants de Sétif, en Algérie, (1945), après la deuxième Guerre Mondiale (1939-1945) fournissant dans la foulée à Israël la technologie nucléaire du centre de Dimona (Neguev).

Sous l’apparence de grands sentiments, des desseins sournois, inavouables : Sceller une Union transméditerranéenne sur la base d’une division raciale du travail, « l’intelligence française et la main d’œuvre arabe », selon le schéma esquissé par Nicolas Sarkozy dans son discours de Tunis le 28 avril 2008, augurait mal de la viabilité d’un projet qui signait la permanence d’une posture raciste au sein de l’élite politico-médiatique française, une posture manifeste à travers les variations séculaires sur ce même thème opposant tantôt « la chair à canon » au « génie du commandement » forcément français lors de la première guerre Mondiale (1914-1918), tantôt « les idées » du génie français face au pétrole arabe » pour reprendre le slogan de la première crise pétrolière (1973) : « Des idées, mais pas du pétrole ».

Substituer de surcroît l’Iran à Israël comme le nouvel ennemi héréditaire des Arabes viserait à exonérer les Occidentaux de leur propre responsabilité dans la tragédie palestinienne, en banalisant la présence israélienne dans la zone au détriment du voisin millénaire des Arabes, l’Iran, dont le potentiel nucléaire est postérieur de soixante ans à la menace nucléaire israélienne et à la dépossession palestinienne.

Dans cette perspective, la diplomatie nucléaire de Nicolas Sarkozy apparaît comme un leurre. Elle se présente comme une offre pour mineurs frappés d’incapacité, dont la capacité nucléaire sera maintenue ad vitam sous tutelle, dont l’objectif caché est d’éponger le surplus monétaire généré par les pétrodollars, de la même manière que les gros contrats d’armements des décennies 1980-1990 avaient ponctionné les trésoreries des pétromonarchies.

Sans mentionner les interventions du CRIF auprès des pouvoirs publics pour s’opposer à la nomination de figures prestigieuses de la diplomatie française à des postes de responsabilités gouvernementales sous la présidence Sarkozy, en l’occurrence Hubert Vedrine, jugé, non pas « pro-arabe », mais carrément « arabe », deux sites prestigieux de Paris sont dédiés à la Mémoire de l’ancien premier ministre israélien Itzhak Rabin assassiné par un militant de l’extrême droite israélienne :

La Place Fontenoy, face à l’UNESCO et les Jardins de Bercy et alors que le conseil municipal de Paris, sous le socialiste Bertrand Delanoé, a dédié à Théodore Herzl, le théoricien du sionisme, une place dans le Marais (3ème arrondissement), et qu’en contrechamps, pas le moindre site est dédié à un dirigeant du tiers monde arabe, asiatique ou africain, pas même le co-Prix Nobel de la Paix de Rabin, Yasser Arafat, le dirigeant palestinien.

La plaque commémorative de Mehdi Ben Barka, dans le VIè arrondissement de Paris, de même que la place dédiée à Mohamad V devant le parvis de l’Institut du Monde Arabe constituent au premier chef des actes de réparation de la France pour ses forfaits : la disparition du chef de l’opposition marocaine, en 1965 avec la complicité des services français et l’exil du Souverain Marocain durant le combat pour l’Indépendance du Maroc.

Sans la moindre protestation contre la colonisation rampante de Jérusalem et la Cisjordanie ni contre l’emprisonnement arbitraire de près dix mille Palestiniens, la France, fidèle à elle même, est demeurée mutique lors du carnage de Gaza, le 30 mars 2018, et le refus d’Israël d’autoriser une enquête indépendante sur ce massacre.

En contraste, la France s’est mobilisée pour la libération de M. Gilad Shalit, un bi national franco-israélien, capturé par les Palestiniens alors que ce caporal israélien servait dans une armée d’occupation dans un territoire occupé contre un pays ami de la France, tandis que, parallèlement, l’armée israélienne est autorisée, régulièrement, à lever des fonds dans les grandes villes de France « pour le bien être de l’armée israélienne ».

Du Calendrier comme fonction traumatique

Hasard ou préméditation ? Le bombardement conjoint contre la Syrie des trois pays de l’Otan, membres permanents du Conseil de Sécurité, est intervenu, curieusement, le 13 avril 2018, une date traumatique dans l’histoire contemporaine arabe.

Date traumatique de la guerre psychologique anti-arabe menée par Israël et ses parrains occidentaux, date d’une quintuple commémoration : la première, celle du raid israélien contre le centre de Beyrouth, avril 1973, qui a entraîné l’élimination de trois importants dirigeants de l’OLP Kamal Nasser son porte-parole, Abou Youssef Al-Najjar, son ministre de l’Intérieur ainsi que Kamal Adwane, le responsable des organisations de jeunesse ; la deuxième, celle du déclenchement de la guerre civile inter factionnelle libanaise deux ans plus tard, le 13 avril 1975 ; la troisième, celle du raid aérien usaméricain sur Tripoli (Libye), le 13 avril 1986 ; la quatrième, l’imposition du boycottage de la Libye par les Nations Unies le 13 avril 1992 ; la cinquième, enfin, le bombardement conjoint de la Syrie par les trois membres atlantistes de Conseil de sécurité, hors mandat de les Nations Unies.

L’autre grande date traumatique est celle de la bretelle du 5-6 juin surchargée d’histoires. Sur cette date se concentre en effet quatre événements majeurs : la troisième guerre israélo-arabe de juin 1967 ; la destruction de la centrale nucléaire irakienne de Tammouz le 5 juin 1981, ordonnée par Menahem Begin pour tester les réactions du nouveau président socialiste français François Mitterrand ; le lancement de l’opération « Paix en Galilée » contre le Liban, le 6 juin 1982, visant à déblayer la voie à l’élection à la présidence libanaise du chef phalangiste libanais Bachir Gemayel ; enfin le 6 juin 2004 la lourde condamnation de Marwane Barghouti chef mythique de la résistance palestinienne.

La Guerre de juin 1967, première guerre préemptive de l’histoire contemporaine, a permis à Israël, –déjà à l’époque première puissance militaire nucléaire du Moyen-Orient et non « le petit David luttant pour sa survie contre un Goliath arabe »–, de s’emparer de vastes superficies de territoires arabes (le secteur Est de Jérusalem, la Cisjordanie, la Bande de Gaza, le plateau syrien du Golan et le désert égyptien du Sinaï) et de briser l’élan du nationalisme arabe.

Mais elle a du même coup accéléré la maturation de la question palestinienne et favorisé l’émergence du combat national palestinien qui demeure encore de nos jours, 50 ans après, le principal défi qui se pose à Israël., particulièrement la « rue arabe ».

La guerre du Liban de juin 1982, culminant avec un siège de 56 jours de la capitale libanaise, si elle a provoqué la perte du sanctuaire libanais de l’Organisation de Libération de la Palestine et le départ forcé de Yasser Arafat de Beyrouth, elle a dans le même temps donné naissance à une résistance nationale libanaise armée symbolisée par le Hezbollah (le Parti de Dieu) qui forcera dix huit ans plus tard l’invincible armée israélienne à une retraite sans gloire du sud-liban, le 25 mai 2000, premier dégagement militaire israélien d’un territoire arabe non assorti d’un traité de paix.

L’allié des Israéliens a bien accédé à la magistrature suprême, mais pour une présidence éphémère toutefois. Bachir Gemayel sera tué dans un attentat à la veille de sa prise de pouvoir et les Israéliens éclaboussés par les massacres des camps palestiniens de Sabra-Chatila qui ont suivi son assassinat.

Le Conseil de Sécurité, instrument obsolète de l’intimidation et de punition.

Le Conseil de sécurité, dont la composition reflète les rapports des forces sur le plan international à la fin de la II me Guerre mondiale (1939-1945), avec une surreprésentation de l’Europe et une absence totale de l’Afrique, de la sphère musulmane et de l’Inde, foyer de l’Hindouisme, avec 1,7 milliards d’habitants- soit autant que l‘Europe et les Etats-Unis- souffre de déséquilibres structurels. A l’image de la Ligue arabe captive des pétromonarchies rétrogrades.

Toujours dirigé du Nord vers le Sud, à l‘image de la Justice Internationale, le Conseil de sécurité est désormais un instrument obsolète. Un instrument d’intimidation, de punition et d’humiliation.

Selon l’Etat major russe, la défense anti aérienne syrienne a neutralisé 71 des 103 missiles Cruse usaméricains lancés sur la Syrie, soit les 2/3 des missiles, autant dire un coup d’épée dans l’eau. « Même pas mal », pour reprendre l’expression en vogue dans la jeunesse rebelle française.

Dommage collatéral de cette équipée atlantiste, le sommet arabe qui devait se tenir dimanche 15 avril à Dammam (Arabie saoudite) est mort né, du fait de l’approbation de trois pétro-monarchies arabes (Arabie saoudite, Bahreïn et Qatar) de cette « agression caractérisée » au regard du droit international contre un pays arabe, quand bien même suspendu illégalement de l’organisation pan arabe.

Dans ce contexte, l’opération de diversion atlantiste contre la Syrie pourrait bien apparaître un jour comme une opération démagogique… pour la satisfaction d’amours propres nationaux meurtris par tant de revers successifs des stratèges occidentaux.

En accentuant le discrédit des occidentaux et de leurs supplétifs arabes, l’expédition punitive occidentale de 2018 contre la Syrie apparaît comme un remake de l’« agression tripartite de 1956 » contre l’Egypte nassérienne. Et la démonstration de force atlantiste contre la Syrie, loin d’être une manifestation de puissance retentit comme une manifestation d’impuissance devant le désastre stratégique représenté par la percée sino-russo-iranienne en Méditerranée, dont la Syrie en constitue la plateforme opérationnelle majeure. Elle ne modifiera en rien le cours de la bataille. Au grand dam de l’Otan.

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