Béji Caïd Essebsi resserre l’étau sur Youssef Chahed

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Certains médias ont annoncé le limogeage de Lotfi Brahem, ministre de l’intérieur par le chef du gouvernement Youssef Chahed. L’imputant, d’une part, à l’expiration du délai de 48 heures que lui avait accordé le chef du gouvernement, pour procéder à l’arrestation de Nâjim Gharsalli, ex ministre de l’intérieur, à l’encontre duquel le magistrat chargé d’instruire l’affaire Chafîk Jarraya a délivré un mandat de dépôt ; et, d’autre part, aux événements tragiques, où plus d’une soixantaine de victimes ont été, à ce jour, dénombrées, suite au naufrage du bateau ayant à son bord près de 200 migrants tunisiens vers l’Italie.

Or, cette version est contredite par les faits à plusieurs égards. En premier lieu, la présidence du gouvernement avait démenti la rumeur colportée au sujet de l’ultimatum des 48 heures. Ce démenti est d’autant plus crédible que pareil ultimatum aurait contrevenu à tous les usages politiques et procéduriers en matière de travail gouvernemental.

S’agissant du tragique naufrage de Kerkennah, le niveau de commandement –médian-dont la responsabilité a été reconnue, et partant sanctionné, ne dépend pas hiérarchiquement de manière directe du ministre de l’intérieur. De sort que la responsabilité de celui-ci n’étant pas directement engagée dans ledit naufrage, son limogeage ne saurait donc être imputable à quelque défaillance de sa part.

En revanche, l’on se souviendra, sans doute, que le malaise entre les deux hommes, le ministre de l’intérieur et le chef du gouvernement, s’est installé au sujet d’un problème de compétences, consécutivement à l’intervention directe de Youssef Chahed dans la nomination de hauts cadres du ministère de l’intérieur.

Or, ignorant la visite du chef du gouvernement aux îles Kerkennah, et les instructions qui s’en sont suivies, Lotfi Brahem, anticipant les résultats de l’enquête diligentée par Youssef Chahed, a procédé à certains changements au niveau des maillons médians de la chaîne de commandement sécuritaire. Considérant que pareille initiative était assimilable à un acte d’insubordination, le chef du gouvernement pris, ès qualité, la décision de limoger son auteur.

Quoi de plus normal ? Diriez-vous.

Certes, sauf que le même chef du gouvernement, consommant la rupture avec le chef de l’Etat, avait qualifié la gestion des affaires du principal parti au pouvoir, dirigé par le propre fils de Béji Caïd Essebsi–faut-il le rappeler ?- comme danger potentiel à l’encontre de l’Etat. Et l’on comprendra, que, dans ces conditions, toute coexistence, au sommet de l’Etat, entre les deux présidents était, désormais, rendue impossible.

Réputé par sa longue pratique politicienne, le Chef de l’Etat n’allait sûrement pas procéder, à la cosaque, de manière tonitruante. Disciple convaincu de l’école bourguibienne, la politique des « étapes » (Siyâsat al-Marâhil), n’est pas un vain mot pour Essebsi. Le sort politique de Chahed. sera donc scellé à la manière des victimes des boas constrictors. A mesure que la proie se démènera, les muscles et anneaux du boa resserreront leur étreinte… jusqu’à asphyxie totale du futur repas.

Nous en sommes donc au prélude du rituel mortuaire. Nul doute que d’autre « étapes » suivront.

Pour l’heure, cette première escarmouche, qui, notons-le à l’intention de nos éventuels contradicteurs, n’aurait pas été possible, sans l’accord de Béji Caïd Essebsi, est toute à l’avantage du Chef de l’Etat.

Jugez-en plutôt.

En premier lieu, la force de frappe du gouvernement, à savoir les forces armées, compte tenu de la grogne plus que perceptible des syndicats de polices, avant même ce limogeage. A fortiori le sera-t-elle davantage, maintenant que Youssef Chahed a franchi le pas. Or, le corporatisme des dits-syndicats n’est plus à démontrer. Ce qui augure de lendemains, côté sécuritaire, du moins, plus que désenchanteurs pour le chef du gouvernement.

En second lieu, ayant poussé vers la nomination du ministre de la justice au poste de ministre de l’intérieur par intérim, le Chef de l’Etat dispose, en sa qualité de Chef suprême des forces armées, de l’entière et pleine force de frappe de l’Etat. Se prémunissant, au passage, contre toute éventuelle velléité syndicale policière : les frères ennemis en uniformes –les militaires-, étant à même de tenir la dragée haute aux forces dits de l’ordre (ce fut le cas lors des événements du 14 janvier 2011) en cas de besoin.

Résultat des courses : Ce 06-06-2018 est un jour à marquer d’une pierre blanche pour Béji Caïd Essebsi. Pour Youssef Chahed, ce jour sera aussi à marquer d’une pierre, moins blanche certes... Pour ne pas dire carrément noire. Tant il est vrai que Béji caïd Essebsi est en train de refermer le piège sur Youssef Chahed … de manière irrémédiable.


Jomâa Assâd: Universitaire

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