Décidément, le dossier de la production, de l’extraction devrait-on dire pour être plus précis, nationale des hydrocarbures devient de plus en plus opaque. On a beau les retourner dans tous les sens, les chiffres officiels ne coïncident avec aucun calcul quels que soient les paramètres observés.
Le fait ne date pas d’hier, nous objecterait-on. Le dossier de la gestion des ressources naturelles de notre beau pays est, non seulement l’un des dossiers les plus opaques de l’Etat tunisiens, tous régimes confondus, depuis l’ère des husseïnites à nos jours, mais aussi les plus cruciaux pour l’avenir des tunisiens.
Tant que ce dossier ne sera pas géré dans la transparence la plus totale, la volonté du peuple ne saurait régir l’action politique de l’Etat. Or, pour l’heure, l’opacité, confinant à l’Omerta dans certains cas, continue à régner en maîtresse sur la gestion des ressources naturelles par l’Etat, et notamment en ce qui concerne le secret, et non moins juteux, dossier de l’extraction des hydrocarbures.
A ce propos, les chiffres avancés par les pouvoirs publics sont, pour le moins qu’on puisse dire, fantaisistes, pour ne pas dire carrément contradictoires. Une constante cependant, leur tendance demeure tragiquement à la baisse, alors que le nombre des permis de prospection, et partant, d’extraction ne cessait d’augmenter ! Il n’en fallait pas plus pour mettre la puce à l’oreille de certains dégourdis parmi les tunisiens.
Voici quelques temps déjà, un jeune ingénieur tunisien, laissant de côté les chiffres « trop officiels » communiqués par les sources « autorisées », s’est livré à un petit calcul mental sur la base de deux paramètres aussi élémentaires que la longueur des pipe-lines zébrant le sud tunisien et la vitesse de transit de l’or noir par lesdits pipe-lines. Les résultats étaient bluffants et, en tout cas, sans commune mesure avec les miettes clamées par les officiels.
Etayant son propos par une cartographie minutieusement établies par les sociétés sangsues de notre richesse souterraine, un expert en la matière, de renommée internationale, excusez du peu, est arrivé aux mêmes conclusions que celle du jeune ingénieur.
Après avoir épuisé la panoplie de faux-fuyants et autres accusations politiciennes, ayant ouvert la voie à une éhontée chasse aux sorcières, où étaient incriminés pêle-mêle : des politiciens –dont un ex Chef de l’Etat égratigné au passage-, des partis politiques, des syndicats, des associations, le saumâtre, mais non moins légal, « Hizb ettahrîr » et même les incontournables « daéchiens », le Chef du Gouvernement de l’époque finit par autoriser, du bout des lèvres, l’ouverture d’une enquête à ce propos, confiée à une commission désignée « ad hoc », s’il-vous-plaît, par son Excellence lui-même. Veillant, de la sorte, à éviter scrupuleusement toute suspicion de conflit d’intérêts…
Nous attendons, soit dit au passage, à ce jour les conclusions de ladite Haute commission… Les verrions-nous de notre vivant ? Seuls les dieux le savent !
Tout semblait être rentré dans l’ordre, jusqu’à ce fatidique mot, incongrûment lâché, par un ministre, et d’où ressortait un chiffre qui en laissa plus d’un auditeur coi de stupeur. Mis en rapport avec les chiffres de production pétrolière scandés par les apparatchiks, le fameux chiffre négligemment jeté sur la place publique par l’assermenté ministre ferait saliver les tunisiens à en tremper leur bavoir.
L’honorable Imed Hammami, ministre de l’emploi de son état, au moment des faits relatés, a solennellement annoncé aux tunisiens qu’ils auront à payer 400 millions de dinars aux sociétés pétrolières en dédommagement au manque à gagner qu’elles ont enregistrées à partir du 15/05/2017 suite aux mouvements sociaux ayant occasionné l’arrêt de la production pétrolière d’El Kamour dans le sud tunisien. Calculette, s’il-vous-plait ! Pour une quinzaine de jours d’arrêt de production, les tunisiens auront à payer une douloureuse de 400 milliards de nos vénérables millimes, 800 pour un mois, cela ferait 9600 à l’année… Pas mal pour un seul puits ! Nous sommes déjà bien loin des comptes annoncés à corps et à cris par nos « officiels » !
Placés sous de si bels auspices, poursuivons donc nos féériques comptes. Du propre aveu des autorités, la production de tout le sud tunisien représenterait 30% de la production nationale. Supposons que le Kamour représente le tiers de la production du Sud, ce qui serait à coup sûr surestimé, ceci nous ferait 9600x3,33x3,33= 106453.44 millions de dinars, annuellement certes! Mais joli pactole, tout de même, non ?
En gros, cela représenterait l’équivalent de notre PNB, renflouerait nos caisses, épongerait largement nos dettes, ragaillardirait ce moribond dinar… et sauverait, en un mot, ce navire nommé Tunisie en plein naufrage.
Alors, messieurs du gouvernement, ou bien l’Etat tunisien, ou supposé tel du moins, a conclu les accords avec les sociétés pétrolières étrangères au millime symbolique, comme ce fut le cas s’agissant de l’accord conclu par l’Etat colonisateur français avec l’Etat beylical colonisé, c’est-à-dire avec lui-même, en 1949, relatif à l’extraction du sel tunisien au franc symbolique –marché de dupes à ce jour en vigueur-, ou bien les fuites seraient-elle, par extraordinaire tuniso-tunisiennes ?
En tout état de cause, cet imbroglio mérite bien une petite leçon de choses aux désavantagés tunisiens par Dame Nature qui les a flanqués de deux pays outrageusement riches en hydrocarbures, et ne laissant à nos compatriotes que leurs yeux pour admirer les ineffables poupées russes sacrifiant au dur labeur du bronzage.