L'impasse programmée de la réponse occidentale au « terrorisme »

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Si je devais résumer l’appréciation de notre politique antiterroriste, je dirais que nous nous sommes en quelque sorte donné les moyens de rendre l’action des candidats terroristes plus difficile. Mais nous avons, dans le même temps, contribué à faire augmenter le nombre des adeptes potentiels de cette option.

Résumons l’orientation de nos politiques, dans le monde musulman comme au sein de nos sociétés occidentales. Dans le monde musulman, la teneur de notre réponse a d’abord et surtout été guerrière. Elle a certes permis d’infliger des pertes importantes à “l’Etat islamique” qui a perdu une grande partie de cette assise territoriale qu’il avait réussi un temps à sanctuariser. Mais cette victoire n’est que “militaire” et non point politique.

Aucune alternative crédible n’a été proposée - à Mossoul ou Raqqa - aux citoyens des régions écrasées sous nos bombes. Les raisons de nous combattre que (à tort ou à raison) se donne Daech, ont donc largement survécu. Nous avons ensuite, dans nos sociétés occidentales cette fois, augmenté considérablement nos capacités d’observation, de surveillance et d’arrestation des acteurs susceptibles de recourir à l’action violente au nom de la solidarité avec leurs coreligionnaires orientaux ou de ce que j’ai nommé la “globalisation du ressentiment”.

Les résultats de ce double effort ne sont certes pas négligeables. En revanche, s’agissant de nous interroger sur les raisons qui creusent le fossé de malentendus d’où émergent les trajectoires de radicalisation, non seulement nous n’avons pas progressé mais nous avons de toute évidence aggravé la suspicion et l’incompréhension avec cette frange du monde musulman qui nous confronte par les armes.

Nous savons certes condamner “les idéologies radicales” mais nous nous montrons formidablement incapables de nous interroger sur les raisons qui rendent ces idéologies … attractives. Nous refusons de voir que nous sommes directement - et massivement- impliqués dans les dysfonctionnements de la représentation politique qui nourrissent les trajectoires de radicalisation.

De l’Egypte de Sissi à l’Arabie Saoudite de MBS ou la Libye d’Haftar,(pour ne rien dire du pays de "Bibi", le cher ami d'E Macron), les Occidentaux sont retombés dans l’ornière de la collusion active avec les pouvoirs les plus illégitimes et les plus répressifs.

Et le repli identitaire initié par les extrême droites européennes, désormais largement relayé par la quasi-totalité des composantes du spectre politique (gauches incluses) entretient en Europe une atmosphère de suspicion généralisée à l’égard des Musulmans.

Notre participation active aux mécanismes de la radicalisation d’une frange activiste est donc “duelle” selon que les acteurs concernés appartiennent au théâtre oriental (Egyptiens, Syriens, etc.) ou occidental (Français ou Belges).

Mais le ressort premier - la marginalisation/ stigmatisation d’un segment du corps social - est le même.

Il est dès lors très difficile de se montrer optimiste et de considérer que les efforts des occidentaux ont permis de tourner cette page de la menace du “terrorisme jihadiste” qu’à, à bien des égards, ils n’ont fait qu’alimenter. Il n’y a donc aujourd'hui, de mon point de vue, aucune impossibilité analytique à voir les occurrences jihadistes perdurer.

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