Le football a ceci d’extraordinaire, c’est qu’il suscite parfois les engouements les plus étranges et les plus bizarres ! Si l’Espérance avait été battue à la régulière par Al Ahly au cours du match aller en Alexandrie, on n’aurait pas assisté, médusés, à cette union sacrée autour du doyen des clubs tunisiens, qui célèbrera bientôt son centenaire.
Or, ce sentiment d’injustice engendré par l’arbitrage scandaleux du referee algérien a été vécu comme une humiliation par tous les Tunisiens si bien que les rivalités sportives se sont subitement tues et que tous les Tunisiens tenaient à ce que le club de Bab Souika se rebiffât et infligeât une défaite cinglante aux « usurpateurs » égyptiens !
En effet, quelque chose d’irrationnel et de singulier s’est produite après la défaite imméritée de l’Espérance en Egypte, la déception et la frustration gagnèrent tous les Tunisiens , y compris ceux qui d’habitude éprouvaient une « saine » animosité à l’égard de la « mkachkha ».L’impression la plus répandue était que l’Egypte du maréchal Sissi cherchait à voler la victoire à la jeune et titubante démocratie tunisienne et que ce terrible affront devait être lavé.
La passion pour ce match et la liesse populaire qui s’en suivit ne peuvent être expliqués uniquement par la réparation du préjudice subi et par le fait d’avoir remporté la champions league africaine, ce serait trop réducteur.
Le sentiment, c’est que cela dépasse le cadre strictement sportif et que cette joie, cette délivrance au coup de sifflet final de l’arbitre éthiopien révèlent quelque chose de plus profond, de moins superficiel : c’est le triomphe des valeurs de la révolution tunisienne : justice, dignité et liberté, c’est le triomphe de la démocratie sur la tyrannie, c’est le triomphe de l’honnêteté, de la probité, du cran, du sacrifice et du cœur sur les magouilles des fripons.
Le stade de Radès a certes grondé, mais il a grondé d’allégresse alors que les pyromanes tapis dans l’ombre espéraient une autre issue à ce match, une issue plutôt tragique où colère, désillusion, amertume auraient emballé les supporters tunisiens au point de provoquer un chaos général dont les répercussions n’auraient pas été uniquement sportives.
Ils en furent pour leurs frais car le comportement des supporters espérantistes tout au long du match et en dépit des ressentiments occasionnés par le match aller fut tout à fait exemplaire. Ils furent soixante mille à encourager leur club, à le pousser à relever le défi et à conquérir ce trophée, la pression était forte mais ils surent vaincre l’adversité par une conduite admirable, exempte de ce chahut et de cette violence que l’on craignait tous.
Ce public merveilleux méritait cette victoire, cette Tunisie vaillante, stoïque, intrépide a le droit d’exulter !