Joyeux bololo

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Samedi 1er décembre, je marche du côté de la Madeleine. Des groupes épars de gilets jaunes, rouges, mêlés, hétérogènes, un peu paumés vont et viennent au gré des courants, des injonctions et des mouvements d’humeur. Flux et reflux contre les barrages interdisant la Concorde.

Alternance de calmes, de tensions et de joyeuses fureurs dans les nuages lacrymo, le son des cornes de brume, les détonations diverses et les échos d’une improbable fanfare rue de Rivoli.

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Dans l’odeur acre des gaz, la France populaire en visite à Paris gronde et flâne à la fois, les yeux rougis de sang.

Les boutiques de luxe arborent en vitrine de strictes plaques de bois protégeant leur devanture. Y’a du vécu. A l’intérieur la vente continue.

Lucas Carton, restaurant chic par excellence, fait relâche.

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Le magasin Fauchon de tous les symboles, est gardé par une escouade de crs en faction.

Tiens, un couple de touristes japonais, à peine désorienté, traverse le cortège fluo, un grand sac Vuitton à la main.

Les gilets jaunes tournent et retournent autour de la place de la Madeleine comme des hamsters en cage. Nulle part où aller. Des renforts surgissent ça et là au gré des ruelles. Ça s’éparpille, se regroupe, essaime et se concentre. Ça interpelle du flic, appelle à la solidarité et à la convergence, ça se durcit tout à coup avant de s’apaiser.

Ovation générale quand un cortège venu de l’Opéra fait sa jonction.

Ça barde, ça rigole, ça fait des selfies, ça cherche Martine, ça retrouve Sylvain.

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Un drapeau rouge et noir

Deux drapeaux tricolores

Une banderole CGT

Une écharpe de l’OM

Trois étudiantes des beaux arts.

Un gilet jaune où l’on peut lire « On vient te chercher »

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Au beau milieu, bloqué, un autobus à impérial prend du retard sur son tour operator.

Mouvements de foule, explosions de grenades, rumeurs et tumultes au loin. L’ambiance est à la fois lourde et bon enfant, tandis que là-bas, dans la nasse, ça se fait canarder grave.

Près des grands magasins les parisiens font leurs emplettes comme si de rien n’était. Parents et enfants sont agglutinés devant les automates des vitrines de noël.

Sirènes et gyrophare de convois de police, hurlements de camions de pompiers. Un scooter vient de se faire renverser par un taxi. Jour de chance. L’ambulance est déjà là.

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Dans le ciel, un hélicoptère menaçant fait des cercles incessants.

Soudain l’irruption assez surréaliste d’un escadron de robocops à cheval sorti d’on ne sait où avant de disparaitre dans la brume polluée et le son peu à peu étouffé de la cavalcade.

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Maintenant un groupe imposant de manifestants s’engouffre aux Galeries Lafayette au cri de « Macron démission » tandis qu’au magasin Le Printemps, tout barricadé, les clients, enfermés dedans, continuent de vaquer, indifférents.

Dans un bistrot, sur l’écran LCI, Castaner, déroule, sans y croire, son scénario : violences, casseurs, dialogue blablabla…

Un type me demande où j’ai foutu mon gilet jaune.

Une femme demande à son mari où il a garé la bagnole.

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Autant de mondes parallèles qui se côtoient, sans vraiment se croiser, qui font irruption puis s’estompent dans un joyeux bordel de fin de mois ou du monde.

Point d’équilibre instable et burlesque entre farce et tragédie, sans pouvoir vraiment trancher encore…une sorte de descente d’acide tragicomique.

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Ce n’est pas encore une insurrection, mais c’est plus qu’une émeute.

C’est insaisissable et volcanique.

Assez « disruptif » pour paraphraser le jupéteux poudré, le Jupiter par terre.

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