La tension entre l’Arabie saoudite et l’Iran est initialement et essentiellement un conflit qui n’est ni régional ni de nature strictement religieuse. C’est davantage l’écho d’une tension interne à l’Arabie saoudite, ou plutôt au régime saoudien, qui se sent menacé.
Par qui ? Certainement pas par une ingérence iranienne (fut-ce par minorité chiite saoudienne interposée) mais bien par son opposition, majoritairement sunnite. Ce sont donc les sunnites saoudiens, et non les chiites iraniens (ou saoudiens) qui ont été les destinataires privilégiés du message de “fermeté” des 47 exécutions.
Le roi Salman a traité ce faisant la menace qu’il ressent comme prioritaire : non plus celle des modérés (frères musulmans) que son prédécesseur Abdallah a combattus un peu partout dans la région mais bien celle des radicaux , c’est-à-dire d’al-Qaïda et, plus récemment, de Daech. Mais il l’a fait de deux manières et c’est ce qui a paru donner une dimension à la fois bi-latérale (saoudo-iranienne) et sectaire (sunnite-chiite) à une décision qui était avant tout interne au royaume et à la communauté sunnite.
Le roi Salman a cherché à frapper ses challengers radicaux de deux façons : par la répression, d’abord, c’est-à-dire en faisant montre de fermeté à leur égard. Mais il a également cherché à les contrer sur le terrain de la confrontation avec les chiites et ce faisant à redorer son propre blason sectaire. Il l’a donc fait en coupant sous les pieds de Daech et d’al-Qaïda l’herbe du radicalisme anti-chiite, se posant ainsi lui aussi comme le défenseur des sunnites.
L’exécution de 4 chiites (ou comme au Yémen, le fait de les combattre) permet enfin, par dessus tout, de faire oublier que - dans sa lutte contre les sunnites de Daech c’est-à-dire contre son camp religieux - le roi est de facto l’allié objectif de ces chiites qu’il dit combattre, posture terriblement onéreuse en terme de légitimité.