Le prisme et l’horizon/ Les égarements de Riyad

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Il est du droit de l’Arabie Saoudite de réagir durement à l’attaque de son ambassade à Téhéran. D’autant que les Iraniens sont devenus coutumiers de ce genre d’actions qui violent les conventions de Vienne en matière d’immunité des représentations diplomatiques. Souvenons-nous de l’attaque de l’ambassade américaine en 1979, avec prise d’otages du personnel, mais aussi de celle de la Grande-Bretagne en 2011…

Il est en revanche plus qu’étrange que ce pays, qui a aujourd’hui l’ambition de conduire une sorte d’Otan des pays de l’islam sunnite, se livre à une politique d’escalade effrénée qui menace de rallumer les querelles confessionnelles entre sunnisme et chiisme.

Aujourd’hui, certains pays de la nouvelle «Alliance islamique» ont cru utile de rejoindre l’Arabie Saoudite dans sa décision de rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran : les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et, plus récemment, le Koweït… C’est leur choix. On notera cependant que cette politique de rupture vient s’ajouter à une condamnation de l’Iran par le Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi aux «regrets» de l’Iran lui-même concernant cette violation.

Le président iranien, selon des sources informées, a traité les responsables du saccage d’extrémistes et des arrestations sont en cours… Fallait-il poursuivre un tel durcissement de sa position alors que la condamnation internationale est acquise et que le pays en cause désavoue de tels agissements de façon très officielle ?

Le 15 décembre dernier, l’Arabie Saoudite annonçait la création d’une coalition islamique regroupant quelque 34 pays et dont la vocation déclarée était la lutte contre le terrorisme. Cette annonce avait suscité une réaction dubitative de la presse internationale, sachant le rôle trouble que l’Arabie saoudite a pu jouer dans son histoire en matière de développement de mouvements islamistes radicaux. Pourtant, nombre de pays membres de cette coalition ont décidé de passer outre ces suspicions, conscients de la gravité de la menace terroriste et, par conséquent, de la nécessité d’une plus grande cohésion dans la lutte à mener contre elle…

Il paraît assez clair, dans ces conditions, que l’Arabie Saoudite assume désormais une grande responsabilité et que sa diplomatie doit se ressentir de cette position nouvelle et privilégiée. Cela a des implications évidentes en termes de retenue, car tout ce qui concerne la vie publique du royaume rejaillit d’une façon ou d’une autre sur les pays qui ont fait le choix de s’allier avec lui et de lui confier le commandement d’une coalition dont ils figurent sur la liste des membres.

Un pays jaloux de sa liberté d’agir à sa guise en matière de gestion de sa politique interne sera donc plus cohérent avec lui-même s’il s’abstient de chercher à prendre la tête d’une alliance à caractère militaire mais aussi politique. Dans le cas contraire, il évitera par exemple de pratiquer des exécutions à grande échelle qui jettent le trouble dans les consciences, même si cette façon d’agir est strictement conforme aux dispositions de la législation locale… Il évitera aussi de mêler aux condamnés des accusés dont le crime est d’avoir critiqué le régime et mis en cause les racines de sa légitimité, sans être d’aucune façon impliqués dans une entreprise terroriste… Il l’évitera d’autant plus fermement si sa mise à mort devait en plus raviver des querelles interconfessionnelles dont les retombées peuvent atteindre des pays voisins.

Le fait que, en raison de ces différents manquements, un pays voisin se trouve en défaut parce qu’il n’a pas su contenir sa population, ou que certains éléments ont échappé à son contrôle en s’en prenant à des représentations diplomatiques, ou que lui-même s’est trouvé — de façon coupable — en position de laisser faire, cela ne saurait servir d’écran pour camoufler ses propres fautes politiques. Et, en tout état de cause, il devrait être clair que cette dérive regrettable ne pourra pas être mise au compte de la lutte contre le terrorisme… Mais bien plutôt à une manière hasardeuse et inconsidérée de gérer son rôle de leader d’une coalition antiterroriste.

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