Pensée nocturne pour Monsieur Bouregâa

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Monsieur Bouregâa a été arrêté aujourd’hui. Lakhdar Bouregâa, le résistant. Le vieux maquisard. Le baroudeur. L’homme des maquis. L’homme de la révolution. L’homme de l’indépendance. L’homme des combats…l’homme symbole d’une idée. D’un idéal. D’une façon d’être. L’homme de l’histoire, de celle que l’on trouve dans des livres, ou encore enfouie dans la mémoire cabossée et digne d’une nation.

Bouregâa, c’est ce nom devant lequel on s’arrête, on fait une halte avant de dire, justement pour pas dire n’importe quoi, parce que ce nom c’est aussi le notre. C’est celui d’un mythe fondateur. Comme le furent Ait Ahmed, Boudiaf, Bouhired, Boupacha, Abane ou Ben Mhidi.

Qui a donné l’ordre de son kidnapping ? Parce que c’en est un. On a volé l’histoire, qu’est-ce qui peut bien les empêcher de la kidnapper ?

Va-t-il dormir dans une cellule, ce soir, Monsieur Bouregâa ?

Sûrement.

Est-il en train de se faire interroger ?

Peut-être…

Qu’est-ce qu’il a à dire de plus de ce qu’il dit déjà depuis fort longtemps et publiquement, à haute voix ?

Je l’ignore.

Et des officiers en tenue passent l’un après l’autre, comme dans une farandole dédiée à l’intimidation et la pression psychologique pour le faire craquer, comme dans ses films où on cherche l’Aveu ?

Certainement.

Y a-t-il un homme à la gauche ou à la droite (peut-être même derrière) celui qui l’interroge et qui silencieusement, comme un greffier sans scrupules, un script de la terreur, enregistre ses paroles sur un vieux dactylo avec du papier carbone comme pour démultiplier indéfiniment le « délit », le « crime » ?

Lui ont-ils enlevé sa ceinture aussi, ses lacets à Monsieur Bouregâa, comme l’exige la procédure, pour éviter qu’il se fasse mal, dit-on ?

Peut-être…

Fume-t-il encore, Monsieur Bouregâa ? Avait-il des cigarettes sur lui, dans la poche de sa veste ? Avait-il pensé à en acheter, s’il fume encore, avant de se faire prendre ? Un officier va-t-il lui tendre un paquet pour lui offrir la cigarette de l’arrogance, en souriant délicatement, comme pour lui signifier le respect qu’il lui doit et le mépris qu’il lui réserve ?

Peut-être.

Comment va Monsieur Bouregâa, ce soir ? Je pense que ce qui lui arrive doit lui rappeler des choses aussi, des choses pas très belles. Des choses dures qu’il a dû vivre très jeune… Du temps où il était encore Lakhdar Bouregâa : le résistant.

Le vieux maquisard. Le baroudeur. L’homme des maquis. L’homme de la révolution. L’homme de l’indépendance. L’homme des combats…l’homme symbole d’une idée. D’un idéal. D’une façon d’être. L’homme de l’histoire, de celle que l’on trouve dans des livres, ou encore enfouie dans la mémoire cabossée et digne d’une nation ?

Certainement.

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