D’accord, il faut brûler le pays.. Puisque cinq ans de coups bas , de manigances sordides, de trahisons avérées, de sabotage en règle, de culture du chaos, de dilettantisme ridicule, de nombrilisme frileux, de paranoïa exacerbée, d’avidité sans borne, de discours irresponsables et de luttes intestines n’ont pas réussi à le mettre définitivement à terre, autant le brûler pour être certain qu’il ne se relèvera plus.
A quoi bon user de patience vis-à-vis d’un gouvernement qui n’arrivera jamais à redresser la barre, quoi qu’il fasse et quoi qu’on lui conseille de faire ? vilipendé de toutes parts, amoindri par les défections de ses rejetons, attendu au tournant par des rapaces déguisés en politichiens, croulant sous le poids des problèmes insolubles à courte échéance, groggy par une conjoncture économique et sécuritaire exécrable, il ne reste plus qu’à le secouer un petit peu pour recueillir le fruit avarié. Il y en a qui s’en contenteraient sans peine.
Oui, à quoi bon aider une équipe, même incompétente, à sauver NOS meubles ? Plutôt brûler tout le mobilier et revenir à l’âge des singes insouciants. Le feu, même s’il ne purifie pas les intentions, a le mérite de mettre au final tout le monde d’accord lorsqu’il n’y aura plus d’objet de convoitise. Peut-être aussi qu’à la lueur du brasier les pyromanes associés se rendront-ils compte de leur hideur.
A quoi bon s’encombrer de légalité ou de patriotisme abscons lorsqu’un petit pétard suffit à dénouer les situations les plus inextricables ? Tout compte fait, le feu a du bon. Il éclaire les recoins demeurés sombres pour certains. Il réchauffe les ardeurs tiédies par les utopies et l’inconscience crédule. Et avec un peu de chance, lorsqu’il n’aura plus rien à se mettre sous la dent, il finira peut-être par consumer ceux qui l’ont allumé.
Brûler Carthage est beaucoup plus facile que de le reconstruire. Les Romains, qui ne sont pas si bêtes, s’en étaient bien rendu compte il y a plusieurs siècles. Alors, nous aussi, qui ne manquons nullement de pareille sagesse, devons résoudre le problème de la même manière. Carthage est bien parvenu à renaître de ses cendres plus tard.
La chose est d’autant plus facile que nous ne manquons pas de mercenaires prompts à la besogne, ayant par le passé proche montré toute la mesure de leur talent. Leur journée coûte d’ailleurs moins cher que celle d’un manœuvre maçon. Et les mécènes sensibles aux causes aussi transcendantes et aux coffres pleins pour des œuvres aussi salutaires ne manquent pas.
D’ailleurs, même la couverture politique est là. Travestir le pillage et le saccage délibérés en action sociale n’est pas pour offenser leur ardeur militante. Ils en comptent de plus belles à leur actif. Il ne reste que l’occasion. Le bon opportuniste ne la ratera pas quand elle se présentera, quitte à la créer de toutes pièces. Dans le pays des milliers de bouazizis en herbe, les candidats sont plus nombreux que les élus.