La politique ne peut être pensée en éludant les mécanismes de communication, parmi lesquels la publicité a un rôle fondamental. Cependant, avec la victoire des partisans de Macri, pour la première fois dans l’histoire de l’Argentine, c’est un parti où les instruments de marketing occupent une place centrale pour la conception de ses politiques, qui assume le pouvoir présidentiel. Comprendre le fonctionnement de ce dispositif permettra, donc, d’entrevoir quels seront les enjeux politiques des années à venir.
On affirme souvent, et non sans raison, que le marketing consiste en un déploiement de mécanismes trompeurs, qui engendrent des effets superficiels en déformant la réalité du contenu de ce dont on fait la promotion. Mais l’écart entre ce que promet la publicité ou l’emballage et ce qu’est réellement le produit, peut être compris seulement si l’on fait référence à une opération originaire sans laquelle la tromperie serait démentie par le simple achat du produit. Pour que le marketing fonctionne, la relation entre l’objet et ce qui l’expose doit être impérativement inversée. Celui qui achète en étant influencé par ces mécanismes, n’acquiert pas un produit, mais le moyen d’être inclus dans l’univers significatif construit par la publicité. En d’autres termes, le marketing ne vend pas un produit pour satisfaire un besoin matériel, mais littéralement le package, comme une marque, qui confère à l’acheteur un certain sentiment d’appartenance.
Le marketing politique ne procède pas différemment, en détruisant le lieu traditionnellement consacré au discours et à l’image articulée, en tant que cadre pour un contenu de politiques concrètes. Désormais, le discours se désarticule sous la forme de slogan, la figure politique se perd dans les traits personnels et l’idéologie du parti devient une couleur. Cependant, la véritable opération de marketing politique ne consiste pas seulement à offrir une forme de communication plus simple et universelle, mais à situer cette façade, ce package, en tant que but recherché par la politique, et non plus comme le moyen ou le cadre. Toute mesure, même la plus impopulaire, arrive à être justifiée par rapport à la propagation de cette image que présente la publicité. C’est la seule explication pour comprendre qu’un candidat dont la principale proposition économique était la dévaluation, ait gagné les élections.
Si ce modèle de marketing politique s’impose, non plus comme une stratégie électorale, mais comme un instrument pour atteindre une hégémonie de pouvoir, ça ne sera pas simplement l’alternance qui aura gagné les dernières élections sous couvert de la proposition du changement, mais précisément la consécration du contraire. La politique sera positionnée en tant que moyen, et par conséquent comme un sacrifice, pour l’articulation d’un package dont on peut déjà deviner les traits dans les discours des politiques qui la mettront en œuvre. Ces derniers tendent, manifestement, vers trois axes conceptuels centraux.
L’un d’entre eux s’articule autour du consensus compris comme un ordre, l’autre se construit sur la notion de liberté associée à la compétitivité, et le dernier exprime l’idée de vérité en la mettant en rapport avec la « libération ».
La désignation à des postes exécutifs de gestionnaires qui répondent à des intérêts contraires à ceux de l’État national, est un premier symptôme, qui rend compte de qui sont les interlocuteurs du si célèbre consensus. La production d’une réalité, qui se conforme finalement à l’image que pendant des années les grands médias ont conçue, se fera au nom de la liberté et sera justifiée comme la révélation d’une vérité qui aurait été cachée. La baisse des salaires, la répartition inégale de la richesse et la diminution des droits, pourront seulement être réalisés comme moyen pour atteindre cette image que le marketing politique construit du consensus, de la liberté et de la vérité.
Pour empêcher le développement de ces politiques, il ne suffit pas seulement de les dénoncer, comme nous l’avons constaté durant la campagne électorale. Le défi consiste à désarticuler le dispositif du marketing qui les situe comme un moyen. Le débat doit, donc, se faire non seulement par rapport au contenu mais aussi à la forme et surtout par rapport à la place qu’occupe chacun d’eux. Pour ce faire, il ne faut pas se contenter de démontrer que pour arriver à un consensus il faudra employer la force répressive et que la fameuse libération dérivera en un accroissement de la pauvreté. Par les temps qui courent, depuis un moment déjà, il est indispensable d’utiliser tous les moyens de communication politique pour débattre sur le type de consensus, d’ordre et de libertés recherchés et savoir quelle vérité se cache, non pas seulement derrière les ballons des campagnes électorales, mais précisément à l’intérieur de ceux-ci.
* Diego Ezequiel Litvinoff est Sociologue et Enseignant à l’Université de Buenos Aires (UBA). Instituto de Investigaciones Gino Germani, Doctorant en Sciences Sociales (UBA)