Il était une fois.

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Parce qu’elle perturbait gravement l’orbite de Neptune, Pluton fut contrainte de sortir de l’anonymat. Les astronomes ne disposaient pas de l’informatique qui allait démultiplier les moyens de calcul. Les observatoires, moins nombreux et encore mal positionnés sur le globe, ne pénétraient pas assez loin et avec assez de netteté dans le cosmos en général et notre système solaire en particulier. Et nul n’avait encore dessiné le moindre satellite artificiel même si Georges Méliès avait déjà envoyé un obus sur la lune.

Mais les savants étaient formels : selon nos calculs, il existe une planète au-delà de Neptune. On parvint à en trouver quelques traces sur des plaques photographiques mais guère plus. Alors, pour en finir une bonne fois pour toutes avec le doute et la suspicion, la Nasa envoya une sonde-espion pour déterminer la masse, le poids et la composition du si discret objet cosmique. Le fait est aujourd’hui parfaitement établi : Pluton existe bien.

Et pourtant, selon les nouveaux calculs des astrophysiciens, les trajectoires de Neptune et de Pluton, ainsi que celles de Cérès, Éris, Styx, Nix, Kerbéros et autres Hydre qui jouent dans la même cour de récréation, sont encore contrariées par une ou plusieurs forces inconnues. C’est agaçant. On s’interroge, on s’interpelle, on s’internet même, on ressort les calculettes, on augmente leur puissance, on imagine, on suppute, on subodore, on extrapole, on hypothèse. Il existerait une planète aux dimensions gigantesques au-delà de Pluton.

En attendant plus de précisions, un état civil provisoire est affecté à cette nouvelle arlésienne : 2012VP113. Cruel sobriquet, certes ; mais qui a au moins le mérite de mettre en évidence la verve poétique des découvreurs. Hélas, un nouveau problème se profile à l’horizon. Cet objet céleste non encore formellement identifié évoluerait aux confins de notre système solaire. Peut-on l’inclure au sein de notre écurie de planètes au même titre que Saturne, Mars ou Jupiter ou doit-on se résoudre à l’abandonner à celle de nos voisins ? Où se situe exactement la frontière qui nous sépare ? Quel géomètre a établi le bornage ? Existe-t-il même une possibilité de recours devant les tribunaux au cas où l’on souhaiterait contester les données du cadastre ?

On fouille les archives judiciaires jusqu’aux les manuscrits de la Mer Morte et les écrits d’Eugéon de Samos dans l’espoir de trouver un antécédent faisant jurisprudence. Des archéologues sont sollicités pour relire attentivement les tablettes d’argile de Bérose, les bas-reliefs des pyramides d’Égypte et les fondations du temple de Göbekli Tepe. Des ethnologues détricotent les sagas d’Ulysse, de Gilgamesh et de Zarathoustra. Les contes des Inuits, les légendes des "hommes fleurs" des iles Mentawai et les traditions orales des vieux Bushmen d’Afrique australe sont passées au crible. Les spécialistes des peintures rupestres de l’ile de Sulawesi, de Lascaux et d’Altamira sont appelés à la rescousse.

En un mot, l’univers scientifique est en transes. Et quelqu’un quelque part dans le monde l’est peut-être un peu plus encore. Il est à tête d’un petit pays qui pèse à peine 1% de la population mondiale mais dont les cerveaux sont réputés particulièrement affûtés. Ses mathématiciens font référence parmi les prix Nobel et les titulaires de la médaille Field. On les réunit dans le plus grand secret au fond d’un abri ultra sécurisé des forces armées. Vous êtes notre dernier recours, leur explique-t-on. Grâce à vos équations, vous parvenez à découvrir des planètes qui n’existent pas. Trouvez la martingale qui permettra d’infléchir les courbes du chômage et du déficit public et, surtout, celle de la popularité de qui vous savez.

Après quelques secondes d’effarement, nos têtes chercheuses se ressaisissent et désignent une commission qui désigne à son tour un rapporteur. Voilà, déclare-t-il en préambule, qui laisse bien des choses à penser !

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