DANS la foulée de la COP21, la conférence sur les changements climatiques, et forte du succès relatif qu’elle y a remporté, la France vient d’annoncer l’organisation d’une autre conférence internationale qui n’est pas de moindre importance. Il s’agit de la conférence en vue de la relance du processus de paix entre Palestiniens et Israéliens.
Cela s’est passé le 29 janvier dernier à l’occasion d’une cérémonie de vœux au corps diplomatique... Inutile de dire que le pari est risqué : il ne s’agit pas seulement de surmonter la difficulté qui consiste à amener autour d’une même table des protagonistes ayant pris l’habitude de douter du sérieux de leurs interlocuteurs (ou qui feignent d’en douter pour mieux se dérober à tout engagement), il s’agit de vaincre l’énorme poids du scepticisme qui alourdit d’emblée toute initiative de paix dans la région, avant même qu’elle ne soit entamée.
En outre, nous assistons actuellement à une sorte d’intifadha d’un nouveau genre, baptisée au départ «intifadha des couteaux» en référence à son mode operandi, mais qui se caractérise surtout par le fait qu’elle rompt avec tout mouvement de foule, qu’elle procède par attaques individuelles et ponctuelles, tout en étant meurtrière et installée dans la durée. Ce qui est de nature à favoriser un climat d’extrême méfiance entre les deux communautés, arabe et juive.
On s’interrogera à bon droit sur les parties qui ont intérêt à entretenir ce climat, par-delà l’incontestable ressort du désespoir qui agit au sein d’une jeunesse palestinienne privée de perspectives et qui ne veut plus accepter l’indignité dont est marquée son existence en raison de l’occupation. L’arrière-fond psychologique de cette nouvelle insurrection n’empêche pas, en effet, que des acteurs politiques cherchent à en tirer profit et, en même temps, à l’encourager d’une façon plus ou moins discrète et insidieuse.
Mais, quelle que soit la réponse qu’on apportera à cette question, il n’en demeure pas moins que nous sommes face à un contexte de terrain qui semble condamner d’avance toute velléité de paix. D’autant que, par ailleurs, le gouvernement Netanyahou n’a nullement renoncé à sa politique de poursuite des colonies, dans ce qui ressemble fort à une fuite en avant.
On est donc tentés de se demander quelle mouche a bien pu piquer les Français pour s’engager dans une telle initiative, même si, c’est vrai, Ban Ki-moon avait lancé un appel, trois jours plus tôt, afin que Palestiniens et Israéliens ne renoncent pas à la «vision de deux Etats, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité». Côté israélien, du reste, cette annonce a été accueillie avec un certain dédain, et avec le reproche fait à la diplomatie française d’avoir assorti sa proposition d’une «menace» de reconnaissance de l’Etat palestinien si cette énième conférence n’était pas couronnée de succès.
On se souvient qu’en novembre 2014 le Parlement français avait déjà voté une résolution dans ce sens, mais sa portée était alors plus symbolique que juridique. Désormais, il s’agirait de franchir un nouveau pas, déjà franchi par un pays comme la Suède, mais qui prendrait sans doute une autre dimension s’il était à l’actif de la France, pilier de l’Union européenne et membre permanent du Conseil de sécurité.
En attendant, dira-t-on, est-ce que les affaires de la paix auront avancé d’un iota ? Pas sûr !
On verra dans les prochaines semaines quel écho recueille auprès de la communauté internationale l’initiative française. Si elle bénéficie d’un soutien large, elle peut, contre toute attente, provoquer une dynamique positive. Un test crucial va aussi être fait, à travers la réaction de l’Iran : de l’Iran qui a bouleversé la donne de ses relations diplomatiques depuis le récent accord de Vienne, en juillet dernier.
Est-ce que l’ère des surenchères que se livraient chiites et sunnites en matière de défense de la cause palestinienne, au détriment des initiatives de paix, est une ère vraiment révolue ? Si c’est le cas, l’étau pourra se resserrer sur les intéressés, afin qu’ils fassent l’effort d’une paix qui sache parier sur l’avenir et sur l’amitié des générations futures... à travers deux Etats vivant côte à côte !