Nabil s’en va-t-en Guerre…

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Martin alias Depardieu s’en est-allé en guerre, c’était un film épique , historique, jalonné par une sulfureuse histoire d’amour avec la belle Nathalie Baye, qui se retrouve auprès d’un mari inconnu dont elle tombe éperdument amoureuse…Mais cette fois-ci c’est le revers de la médaille, on ne tombe pas sous la flambée de l’amour, mais sous le charme fou et déroutant d’un film marocain, éprouvant et dépravé à l’extrême, qui défraye la chronique, suscite le courroux du peuple bousculé et troublé dans ses traditions aux tiroirs scellés et indigne sa majesté le Roi, au point de l’interdire dans toutes les salles du pays et de fustiger le réalisateur et ses interprètes, qui agressés par une masse offusquée de voir tant de débauche étalée crue et nature, les prie de plier bagage et les chasse du territoire illico presto, en les maudissant à vie…

La sanction prend de l’ampleur, le film est interdit de vision dans tous les pays arabes et voisins, les scènes chaudes érotico-provocantes sont tournées à huis clos à l’extérieur du Maroc, Marrakech n’est plus le fief d’alcôve des étrangers en mal de sensations fortes et devient la Cité maudite Vénitienne infectée par le choléra de Mann et la ville ravagée d’Oran dévastée par la Peste de Camus.

Marrakech est classée d’ores et déjà comme joyau universel, elle devient un lieu de perdition, une mare débordante, puant le sexe hard et le sang giclant avec les semences et les utérus qui dégoulinent et glissent en grossissant, comme un miroir déformant qui reflète les vices et travers d’une société miséreuse et misérable en pleine crise éthique.

Un trop-plein de scènes érotiques entourloupées, dans une atmosphère pornographique, transgressant tous les interdits et tabous cinématographiques, absolutly occultés et tus dans un film maghrébin.

Il a osé, audacieux et futé comme un preux chevalier, Nabil Ayouch, tourner des scènes qui choquent les âmes sensibles et troublent l’opinion publique.

La Tunisie est le seul pays maghrébin, qui a bravé l’interdit en sélectionnant ce film pour les Journées Cinématographiques de Carthage, en Novembre dernier. Ainsi que de le diffuser dans les salles de cinéma, devant une foule atterrée, horrifiée, ahurie de voir tant de nu dévoilé, tant de frustration clamée et tant de dépravation décriée, se manifestant ouvertement à cor et à cri, sans ménagement ni restriction !

Le film accroché précieusement comme un sac en bandoulière, le réalisateur et ses extraordinaires actrices, jeunes filles perverses à la sexualité débridée, s’élancent à la conquête des festivals du cinéma du monde européen et raflent une flopée de prix de consécration.

D’où a-t-il puisé cette force inouïe de raconter une histoire pleine de cruauté virulente et de vérité nue, représentant la face cachée, et pourtant si réelle, d’une cellule sociale sordide et dévergondée, sans foi ni loi, parce qu’ils n’ont rien à perdre ni à gagner, en échangeant le charnel pour du matériel ?

Vendre son corps c’est vouer son âme au diable..Mais peut-on agir autrement quand on touche le fond et qu’on doit subvenir aux besoins d’une famille nombreuse et pauvre, qui vous suce le sang parce qu’elle a besoin de « thune » , de quoi se nourrir et s’habiller, vous somme d’exercer le plus vieux métier du monde et vous renie quand elle n’a plus besoin de vous..

C’est le cas de Nouha, l’interprète principale, dont le regard émeut par sa profondeur , tragique et égaré, les cœurs les plus glacés et dont le jeu dégage une étrange force explosive et persuasive !Etonnante et détonante, elle offre un cœur plein de tendresse dont personne n’en veut vraiment, un corps pulpeux et débordant de volupté qu’elle destine aux plus offrants, bravant les interdits , les douleurs et les difficultés, régnant en matrone endurcie sur son groupe de « filles enrobées de sexe , d’alcool et de désirs abusifs et plaisirs effronté », qu’elle mène à la baguette, vendant leurs charmes comme des paquets de Loukoum !

Nouha , comme Nabil le maître du jeu, comme Saïd le chauffeur proxénète, comme ses copines en proie au mal de vivre, comme Hlima la paysanne qui « fricote »sous toutes les coutures, comme tout ce petit monde de travelos et de travestis euphoriques et fous de s’adonner à toutes les formes de plaisir sexuel et aux positions les plus lubriques, sont exceptionnels et remplis d’un réalisme, certes choquant et dépravant pour une société maghrébine qui veut occulter ses travers et vices, un réalisme qui transperce les sens, trouble les esprits et foudroie les âmes sensés en vous emportant vers des parties cachées de votre personnalité, nous empoignant haut les bras tellement c’est dur, acéré, poignant…

Personne n’est maître de rien, on ne choisit pas sa destinée comme on ne dispose pas de sa personne. La face cachée d’une personnalité renferme une masse infinie de fantasmes, de sensations refoulées qu’absorbe l’esprit dans son quotidien et qu’annihile l’éducation, la famille, la société. Nul n’est maître de soi, l’aisance matérielle libère l’individu de ses vices ou le condamne à suivre la voie infernale de la sexualité projetée et vécue à outrance, à un rythme effréné pour mieux s’ensevelir dans le tourbillon endiablé de la débauche.

On ne naît pas dans la « putaine misère », on s’y enlise jusqu’au cou par nécessité, le corps en pagaille, débridé..C’est certainement le message le plus clair du film, la lecture la plus avisée..

La démone et ses acolytes se transforment en jeunes filles en fleurs, quand elles partent en Cadillac à Tanger pour un séjour d’agrément et de « plaisirs », leur rassemblement sur la plage fait penser à un une scène de film de Rohmer, à un tableau de Cézanne…

Collées les unes aux autres, elles se récréent une famille imaginaire, précaire, incertaine car malmenée par les aléas de la vie...C’est si dur et tendre qu’on en sort la gorge serrée, comment en vouloir à des malheureuses qui se noient dans un océan noir de perdition infinie ?Comment en vouloir à un metteur en scène volontaire qui a osé montrer avec audace et vérité tout ce qu’on cache aux yeux du monde maghrébin, illusionné par ses rêves idylliques ?Banni soit qui mal y pense à tout projet créatif..

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